" Il faut en finir avec cette guéguerre contre tous ceux qui pensent autrement que l'Etat-parti " Légalisé en octobre 2002, le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL) tiendra dans les prochaines semaines son congrès constitutif. A cette occasion nous avons invité son secrétaire général Dr Mustapha Ben Jaâfar. Il nous parle ici des préparatifs de e congrès, de l'année préélectorale 2009 et de la participation de son parti à ces échéances électorales, des réformes majeures à entreprendre pour préparer ces élections et leurs permettre de se dérouler dans des bonnes conditions avec une vraie compétition et d'autres questions. Interview.
Le Temps : Que représente pour vous cette année 2009 ? Mustapha Ben Jaâfar : La vérité c'est que les dernières semaines de 2008 nous laissent un goût amer. Les conditions de déroulement du procès intenté contre les acteurs de la contestation du bassin minier de Gafsa et le verdict confirment la prévalence sécuritaire. Et ce traitement, appliqué depuis longtemps dans le règlement des conflits politiques, est utilisé aujourd'hui pour mater la contestation sociale exacerbée par la montée du chômage des jeunes et la répartition inégale des richesses dans le pays. L'année 2009 devra apporter des remèdes à ces problèmes et concrétiser des changements dans les relations entre l'Etat et la société. Au FDTL, en dépit des difficultés constantes que nous rencontrons pour tenir nos réunions publiques et diffuser notre journal " Mouatinoun ", nous évitons de jouer la carte de la victimisation et gardons quelque espoir en comptant sur le bon sens politique qui devrait inciter le pouvoir à assainir le climat social et politique au démarrage d'une année d'élections présidentielle et législatives. Une vraie ouverture politique est indispensable. Elle doit répondre aux attentes de la société et de ses élites, et le pouvoir en place ne peut en tirer que des avantages.
. Quelles sont d'après vous les réformes nécessaires pour mieux préparer les échéances électorales? - Pour être franc, je trouve que ce genre de question frise la rengaine. En fait le pouvoir sait exactement ce qu'il faudrait faire pour mettre le pays sur la voie de la démocratie et du progrès. Nous avons les mêmes revendications depuis tant d'années ! C'est d'apaisement dont le pays a besoin. Il faut tourner la page de cette guéguerre contre tous ceux qui pensent autrement et qui revendiquent leur indépendance vis-à-vis de l'Etat-parti. Mais jusque là les autorités ont toujours fait la sourde oreille. Quant aux échéances électorales, elles n'auront de sens que si elles sont précédées par une ouverture qui permette de rompre avec le système de pensée unique. L'accès de l'opposition réelle à l'espace public et aux médias audio visuels doit se concrétiser au plus tôt et ne pas se limiter à une " récréation " de quelques minutes accordées pendant la campagne électorale. Enfin pour être crédibles les élections doivent être justes et assurer à ceux qui seront en compétition, sinon des moyens égaux, tout au moins des chances égales. Dans ce sens une révision du code électoral est indispensable pour éviter toute manipulation et garantir la neutralité de l'administration. Une commission indépendante du pouvoir exécutif doit superviser les élections de bout en bout.
. Quels sont les préparatifs pour votre parti? - Tout d'abord nous allons organiser un congrès qui se déroulera, je l'espère, dans les meilleures conditions possibles. En tout état de cause c'est l'image de la Tunisie qui est en jeu. Nous nous emploierons pour faire de ce congrès un temps fort de la vie politique. L'actualisation de nos orientations et notre position face aux échéances électorales seront au centre du débat. Mais de toute façon, les préparatifs internes comme la mise à jour de nos sections régionales ou les travaux des commissions thématiques qui ont déjà commencé, vont être menées de pair avec la recherche d'une plateforme d'action commune avec les autres partis de l'opposition réelle pour que le processus démocratique soit introduit pour les prochaines élections. Pour le FDTL c'est la priorité des priorités. Il faut tout faire pour que les règles du jeu soient modifiées afin qu'un pluralisme réel puisse se concrétiser. Un tel projet doit rassembler et mobiliser tous ceux qui luttent pour que le processus de transition démocratique se déclenche afin de débloquer la situation. Nous allons continuer à œuvrer pour rassembler les forces d'opposition et pousser le pouvoir à engager une ouverture politique crédible. Et si cette occasion est perdue, tout peut arriver.
. Et concernant votre éventuelle candidature à l'élection présidentielle ? - L'idée fait son chemin dans les instances du parti et, comme je l'ai dit, le dernier mot reviendra au congrès. Il me faudra le convaincre que les conditions des prochaines élections offriront la possibilité d'une vraie compétition. L'objectif essentiel de ma candidature est certes de convaincre qu'il existe une alternative à la politique du gouvernement, mais surtout de mobiliser les citoyens et ces centaines de milliers de jeunes qui arrivent à l'âge de voter. Les conditions actuelles sont décourageantes pour les acteurs politiques et poussent la majorité des citoyens à l'indifférence. La crédibilité des prochaines élections dépendra largement de l'amélioration effective de ces conditions. A cet égard, le débat prévu prochainement sur le code électoral à la chambre des députés offre une opportunité à saisir pour adresser à l'opinion publique un message fort qui lui redonne goût à la chose publique. Interview réalisée par Néjib SASSI