Voilà que le messie est arrivé et que l'Amérique renoue avec sa capacité à communiquer à travers le charisme contagieux d'Obama. Voilà que le 44e président des Etats-Unis prononce le discours le plus attendu de l'histoire moderne. La force du verbe, le lyrisme incantatoire, ces formules glorifiant les sacrifices des pionniers: rien n'émeut autant les Américains. Mais si, quarante huit ans après la formule de Kennedy: "nous avons changé le monde, il faut maintenant changer l'Amérique", Obama reprend le même thème, la même thématique, c'est que quelque chose en cette Amérique – qui a pourtant défié l'histoire en installant un "noir" à la Maison Blanche –n'a pas vraiment changé. Plutôt c'est le monde qui a changé alors que dans l'ivresse de la puissance, l'Amérique unijambiste de Bush, guerrière, furieuse, décide d'instrumentaliser à tout jamais les Tours jumelles, mais ne se rend pas compte que l'unijambisme est un handicap parce que c'est du statisme. Rappelons-nous ces néo-conservateurs de Bush, si fiers d'avoir interchangé Ben Laden avec Saddam, et si impétueux et voraces dans l'invasion territoriale et pétrolière de l'Irak… Rappelons-nous encore la manière dont ils tournaient en dérision la Vieille Europe, aisément caricaturée pour sa mise à l'écart des affaires du monde. L'unilatéralisme était à son paroxysme. Mais, agressif, il prenait le deuil de son modèle; suspendait l'avenir de l'Humanité aux illuminations du pire président américain qu'ait connu l'histoire, de la pire dictature qu'ait vécue le monde sous la bannière d'une démocratie vieille de deux cents ans! Certes Obama a plus à apprendre de Roosevelt que de son Dieu humain Lincoln, et de son alter-ego blanc, Kennedy. Certes il doit relever des défis impossibles mais qu'il promet de relever à la longue. Mais l'Obama que nous avons vu et entendu dans son discours était d'abord "très américain", très attaché à ses racines et mu par une ferveur messianique. S'il affirme que 60 ans en arrière son père ne pouvait pas s'attabler dans un café public et qu'aujourd'hui, 60 ans après, son fils est le président des Etats-Unis, c'est qu'il devait d'abord régler son compte à l'Histoire. Obama est, effectivement, le messie. Mais pour l'heure, il ne peut l'être que pour son pays. L'urgence, pour lui, c'est l'Amérique. Maintenant, si les Arabes pensent réellement qu'il va résoudre leurs problèmes à leur place ou qu'il soit disposé à affaiblir Israël et à tendre la main à une mouvance telle que le Hamas, c'est qu'ils n'ont rien retenu des leçons de l'Histoire. Les Américains ne sont pas comme les Arabes: ils ne sont jamais tous du même bord, mais ils sont systématiquement du même côté. Le président américain, légitimiste, légaliste, a bien téléphoné à Abbès. Son premier coup de fil comme président, cela a été justement pour Abbès. C'est là un signe fort. Très fort même. Un peu à la manière d'un Clinton qui était à "tu et à toi" avec Arafat. Sauf qu'Obama n'a rien à offrir aux Arabes qu'ils ne sachent s'offrir eux-mêmes. Il y a des prémices qu'Hillary Clinton mène la diplomatie à coups d'éclats géniaux à la Kissinger. Elle a du charisme à en revendre en effet. Sauf que la perception américaine du Moyen Orient restera inchangée, malgré le désengagement militaire. Et si les Arabes veulent qu'elle change, ils doivent changer eux-mêmes. Car finalement, n'est-ce pas trop large, trop extensif et n'est-ce pas "emphatique" que de s'exclamer: "Réconciliation inter-arabe" alors qu'il s'agissait de cuisine interne à l'Egypte, la Syrie, l'Arabie Saoudite et Qatar. Où était Gaza dans tout cela?