Appâtés par la pub, les ménages ont la conviction que les grandes surfaces vendent moins cher...illusion ou réalités ? La Tunisie est en phase de remplacer ses magasins et ses souks par des grandes surfaces. Le nombre croissant des super et hypermarchés bouleverse le paysage du commerce dans notre pays, ce qui déteint de plus en plus sur les comportements d'achat et la structure même des budgets des ménages tunisiens. Certes, ces grandes surfaces ont l'avantage de créer de nouveaux postes d'emplois pour des milliers de jeunes en chômage (caissiers, vendeurs, femmes de ménages, surveillants, chauffeurs, gardiens...), mais elles peuvent présenter des inconvénients dont le plus important est l'incitation à la consommation ! L'installation de ces grands centres commerciaux risque de tuer les petits commerces de proximité au centre ville auxquels les habitants d'un même quartier ou d'une même cité sont habitués pour faire leurs petites courses quotidiennes, à chaque moment de la journée. La publicité aidant, ces mêmes habitants se tournent de plus en plus vers ces grandes surfaces où ils peuvent s'approvisionner de tous leurs besoins sur un même endroit. Cette publicité, centrée essentiellement sur les denrées alimentaires, a fait que les ménages tunisiens consacrent un budget de plus en plus important pour l'alimentation.
L'alimentation d'abord Grands consommateurs de produits alimentaires, les Tunisiens profitent des promotions faites de temps en temps sur ces produits pour en profiter. D'après les chiffres fournis par l'Institut National de la Statistique, le ménage tunisien réserve environ 35% de son budget rien que pour l'achat des denrées alimentaires (voir tableau), alors que les dépenses en habillement sont beaucoup moins importantes avec seulement 10% du budget familial. Il suffit d'un coup d'œil dans ces grandes surfaces pour remarquer qu'elles sont chargées essentiellement de produits alimentaires et surtout ceux de première nécessité : pâtes, céréales, boîtes de conserves, yaourts et biscuits, eaux minérales, sucre, café, thé, huile, lait et dérivés, viandes, œufs... Les achats effectués dans l'alimentation ne cessent d'augmenter d'une année à l'autre depuis l'installation de ces grandes surfaces dans le pays. Une grande part de ces dépenses dans l'alimentation consiste à satisfaire les besoins des enfants qui ont des préférences alimentaires très capricieuses et parfois sans valeur nutritive, étant victimes de la publicité qui leur présente des produits alimentaires conformes à leur âge et à leur goût par des moyens très alléchants. Ces grandes surfaces exposent ces aliments destinés aux enfants (confiseries, chocolat, bonbons, chips...) sur les rayons les plus bas pour être à portée de leurs mains ; la tentation est d'autant plus grande que des petits chariots sont mis à la disposition de ces enfants pour leur permettre de faire leurs propres emplettes. Une étude, réalisée en 2006 et publiée par « l'UFC-Que Choisir », fait remarquer que l'obésité infantile ne cesse de progresser chez nous, vu que 89% des préférences alimentaires de nos enfants sont constituées de produits très sucrés ou gras, vantés par la publicité et toujours disponibles dans les grandes surfaces.
Concurrence entre grandes surfaces Ce phénomène des grandes surfaces a donc un grand impact sur le développement de la consommation des ménages. La croissance démographique, l'amélioration du niveau de vie des ménages, la création de nouveaux besoins, l'ouverture sur l'Occident sont autant de facteurs qui favorisent l'installation de ces grandes surfaces dans nos contrées. Au cours de ces dernières années, une concurrence farouche s'est installée entre ces grandes surfaces et chacune est en train d'installer des points de vente partout dans le pays, provoquant parfois la fermeture des petits commerces de proximité. Le nombre de ces grands centres commerciaux va augmenter au fur et à mesure que la population augmente. Selon les urbanistes, d'ici 2020, le nombre d'habitants atteindra 13.900.000, et à ce rythme, il nous faudrait 9 hypermarchés à part les supermarchés dont le nombre pourrait atteindre 390 unités en 2030. Force est de constater que la Tunisie n'aura peut-être pas besoin d'un grand nombre de ces grandes surfaces, étant constituée essentiellement d'une population traditionnelle ayant naturellement une prédilection pour l'épicier du coin ou le souk hebdomadaire de la ville ou du village. D'autre part, les hypermarchés exigent un budget énorme tellement la tentation est grande ; pour les Tunisiens moyens, ayant des revenus modestes, les hypermarchés ne feront que créer des frustrations difficiles à supporter. Les ménages tunisiens qui consacrent une grande part de leur budget dans l'alimentation préfèrent encore s'adresser aux petites boutiques d'épiciers, de bouchers, de poissonniers, de pâtissiers et de marchands de fruits et légumes pour s'approvisionner en denrées alimentaires ; et pour l'habillement bon nombre de Tunisiens achètent leurs fringues à la friperie. N'empêche que l'attrait des grandes surfaces est irrésistible et le consommateur tunisien peut toujours profiter de la concurrence à laquelle se livrent ces grands centres commerciaux, notamment sur les produits alimentaires, besoins vitaux de tous les ménages tunisiens. C'est pour cette raison que les petits commerces résistent et résisteront peut-être encore à ces grandes surfaces : la bouffe avant toute chose !
Qui dit que les grandes surfaces vendent moins cher ? L'Observatoire national de l'approvisionnement et des prix (Onap), pour s'assurer de la bonne concurrence entre ces grandes surfaces, fait un suivi mensuel surtout des prix composant le panier de la ménagère. D'après les conclusions tirées par l'Onap, on peut constater « que deux hypermarchés de la place ont augmenté leurs prix d'au moins 2 % entre mai et juillet 2008. Les supermarchés restent, quant à eux, nettement plus chers que les Hyper ». L'Onap remarque même, que « la valeur du panier, dans les grandes surfaces tous genres compris, au cours des derniers mois de l'année 2007, avait entamé un mouvement de hausse à partir de novembre 2007 et jusqu'au mois de mais 2008. A notre tour, concluons qu'il n'est pas toujours vrai que dans les grandes surfaces les produits alimentaires se vendent moins cher et que ces grands centres commerciaux ne contribuent pas à la préservation du pouvoir d'achat du consommateur tunisien. Loin de là... Hechmi KHALLADI
Indices des prix D'après les indices des prix relevés dans la période mars/avril 2008, l'alimentation a enregistré une augmentation de l'ordre de 0,1 %. Cette augmentation est répartie comme suit : Volaille +3.1%, oeufs -0.6%, viande ovine -3.6%, boissons +1.3%, fromages +1.6%, céréales +3.6%, poissons +0.4% (source : Site de l'actualité commerciale).
Les produits concernés par la hausse des prix L'Observatoire national de l'approvisionnement et des prix a enregistré une hausse de 0,5 % sur les produits laitiers et notamment le Yaourt (5,2 %) et la margarine (2,9 %). Il a aussi constaté une hausse de 1,1 % sur les jus et boissons, notamment due à une augmentation de 3,3 % sur les jus et de 0,6 % sur les eaux minérales. Les prix du groupe des produits d'huile ont augmenté de 2,7 % et surtout les huiles végétales (entre 3,4 et 4,7 %) et l'huile d'olives (1,6 %). Petites hausses sur les produits à base de sucre (notamment 1,5 % sur les chocolats) et des hausses nettement plus importantes sur les produits d'hygiène. Le prix du savon a ainsi grimpé de 5,6 %, celui des déodorants de 3 % et les couches pour bébés, de 2,3 %. Plus importante était la hausse des prix des produits détergents (6,9 %) et de la lessive (5,3 %). ».