La poétesse tunisienne Hanen Marouani au Marché de la Poésie 2025    Le ministre du Tourisme : La formation dans les métiers du tourisme attire de plus en plus de jeunes    « J'aimerais voir l'obscurité » : la nuit confisquée de Khayam Turki    Hôpitaux : plus de 900 opérations de la cataracte réalisées aujourd'hui au profit des démunis    Ispahan sous les bombes : Israël frappe encore le site nucléaire iranien    L'huile d'olive bio de Zarzis conquiert les marchés américain et français    Classement QS mondial des universités 2026 : l'Université de Tunis El Manar progresse de 40 places    Accès gratuit aux musées militaires ce dimanche    La Ministre des Finances : « Nous veillons à ce que le projet de loi de finances 2026 soit en harmonie avec le plan de développement 2026-2030 »    21 juin… solstice d'été dans l'hémisphère nord    L'Iran lance une 18e vague de représailles contre l'entité sioniste    CA – Aujourd'hui l'assemblée générale élective : Plus qu'une échéance électorale !    Djerba-Zarzis en tête des destinations tunisiennes avec 1,3 million de visiteurs    L'églantine: Une petite rose, beaucoup de bienfaits et une véritable richesse pour la région de Zaghouan    69e anniversaire de la création de l'armée nationale : Une occasion pour rapprocher l'institution militaire du citoyen    Le ministère des Affaires étrangères confirme le décès du jeune Tunisien Abdelmajid Hajri en Suède    Nafti, à Istanbul, pour participer à une réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères    Coupe du monde des clubs- Groupe D- EST-Los Angeles FC (1-0) : Magnifique Belaïli, sacré Ben Saïd !    Coupe du monde des clubs : L'Espérance de Tunis bat le Los Angeles FC    Séisme de magnitude 5,1 frappe le nord de l'Iran    Fausse gifle, vraie manipulation : ce que cache la campagne contre Hend Sabry    El Amra : les autorités démantèlent un nouveau camp de migrants subsahariens    Les musées militaires tunisiens ouvrent leurs portes gratuitement ce dimanche    Israël, l'Occident et l'hypocrisie nucléaire : le sale boulot à deux vitesses    Budget : l'ARP lance sa propre réforme, faute d'initiative gouvernementale    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    Carrefour Tunisie lance le paiement mobile dans l'ensemble de ses magasins    Caravane Soumoud de retour à Tunis : accueil triomphal et appels à soutenir la résistance palestinienne    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    15 ans de prison pour le nahdhaoui Sahbi Atig    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    Météo en Tunisie : légère hausse des températures    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    Joséphine Frantzen : rapprocher la Tunisie et les Pays-Bas, un engagement de chaque instant    Grève générale dans le secteur agricole tunisien prévue le 25 juin : la fédération lance un avertissement    Kaïs Saïed : un ancien ministre se permet de donner des leçons alors que c'est un escroc !    Grève des jeunes médecins : large mobilisation et risque d'escalade    Mourir à vingt ans aux frontières de l'Europe : quand la solidarité est criminalisée    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Berlin Ons Jabeur en quarts de finale face à Markéta Vondroušová    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    La Tunisie mobilise les soutiens en faveur de son candidat l'ambassadeur Sabri Bachtobji, à la tête de l'Organisation Internationale pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le combat d'un rêveur
CONTROVERSES
Publié dans Le Temps le 23 - 02 - 2009

Nous avons eu la chance, de naître et de vivre, sur les plus belles terres du Nord. Terres nourricières et fertiles ; et ceci depuis des temps ancestraux. Nous n'avons jamais quitté, ni penser à déserter nos belles contrées. Et pour cause : nous avions de l'eau, source de toute vie, à satiété.
Une terre, bonne, robuste et douce à la fois, travaillée par des paysans amoureux de leur métier.
Qui suis-je ?
Je suis un très bel épi de blé, sans cesse renouvelé depuis des siècles, au gré des saisons.
Ma vie fut un bonheur, toujours recommencé, jusqu'au jour où tout fut chamboulé.
C'était le début du printemps ; et nous nous acheminions ves une moisson des plus prometteuses, quand - vers le crépuscule - le ciel s'obscurcit soudainement. Des roulements de tonnerre lourds se firent entendre à l'horizon et une bourrasque foudroyante,déferla sur la plaine.
Je fus arraché avec mes racines, du sein tendre et nourricier de ma mère-terre. Je tourbillonnais comme un vulgaire fétu de paille. Quand la violence du vent se calma et que je repris mes esprits, j'eus la désagréable surprise de me retrouver au milieu d'un parterre de plantes, rabougries, pâles, chétives, mal fagotées, mal poignées, mal éveillées. Un parterre de créatures, salement endormies dans le jardin délaissé d'une maison en ruines. Je l'ai salué doucement, puis, à haute voix, mais il n'y eût presque aucune réaction, à part quelques orties, qui levèrent paresseusement la tête, pour me jeter un regard torve et retomber dans leur horrible sommeil. Je n'étais pas au milieu d'un jardin mais parmi un ramassis de clochards avachis. L'horreur, pour le bel épis de blé, que, jusque-là, je fus. Cette constation me remplit de frayeur. Je n'allais, quand même pas finir ainsi !
Il ne fallait surtout pas me laisser aller. Dans un premier temps, pensant, comme le dit l'adage, que l'union fait la force, j'essayais de réveiller cette confrérie de perdants de leur léthargie, en discourant, en les haranguant... Mais rien n'y fit : ils demeuraient écrasés sous leur torpeur. En désespoir de cause, je me détournais d'eux et cherchais à trouver une solution individuelle pour sortir du ghetto où la tempête m'a jeté. Je remarquais, au bout de quelques jours d'observation, l'existence de quelques fourmis qui fouinaient partout en quête de quelque maigre nourriture.
La présence de ces grandes travailleuses, jurait avec celle des plantes endormies. Cela m'inspira une idée. Je demandais à voir leur reine. Elle vint à ma rencontre et je lui parlais en ces termes : « très honoré de faire votre connaissance majesté. J'ai un marché à vous proposer. Je suis un épi de blé de très bonne souche. Si je reste ici, sans que vous m'aidiez, je suis voué à une mort lente, avilissante et certaine. Par contre, si vous daignez venir à mon secours, je vous promets, à vous et à tous vos sujets, la plus belle et la plus délicieuse récolte de blé que vous n'avez jamais goûté.
Il suffirait pour cela que vous déblayez la terre autour de moi, et que vous creusiez un petit canal, jusqu'au ruisseau qui passe devant la maison. Et ce ne sont pas les trous qui manquent au mur de la façade ».
Marché fut, donc, conclu. Les fourmis nettoyèrent la terre autour de moi, de tous ses cailloux et de ses herbes mortes, la retournèrent et creusèrent le sillon qui me rallia au ruisseau extérieur.
Quelques jours suffirent pour que l'eau arriva, enfin, pour assouvir la soif de mes racines malmenées.
Je repris de la vigueur, ma tige se redressa, mes grains commencèrent à grossir. J'étais au plus haut de ma forme. Je rayonnais de joie et de jeunesse. Tout allait pour le mieux, quand un beau jour, piquée par on ne sait quelle mouche, une de ces horribles plantes agonisantes, leva les yeux vers moi et me découvrant, poussa un cri atroce, qui réveilla toutes ses consœurs.
- Que se passe-t-il, dirent ces dernières ? pourquoi oses-tu nous arracher ainsi à notre plus beau sommeil ?
- Mais, regardez, donc, cet intrus, dit-elle. Pour qui se prend-il ? Regardez comme il est fier de sa force et de sa beauté, alors que nous sommes en train de dépérir.
- Faites comme moi, leur dis-je. Réveillez-vous, sortez de votre léthargie. Trouvez-vous des partenaires qui vont vous aider à reprendre vie.
- Que nenni, répondirent les endormies en chœur. Nous sommes très bien ainsi.
Et elles s'affaissèrent de nouveau. Seul demeura réveillée la plante qui m'a découvert. A sa façon de me regarder, je compris qu'elle m'en voulait à mort. Non pas parce que je lui ai causé du tort mais tout simplement parce que j'ai cherché à ne faire que du bien et à leur conseiller d'en faire de même.
Mais elle ne l'entendait pas de cette oreille.
Durant les jours suivants, elle n'a eu de cesse de chercher le moyen le mieux adapté pour ma liquidation. Elle murmurait, complotait, cherchait à faire prendre conscience à ses consœurs, du danger que je représentais pour elle. Mais ces dernières ne donnaient aucun signe de vie. Elles continuaient à moisir dans leur sommeil hébété. Jusqu'au jour où j'aperçus un rat, gros et hideux, en compagnie de l'intrigante. Je pus entendre la conversation suivante qui eut lieu entre eux-deux :
- Tu vois, ce sale épi de blé, dit-elle au caïd des rats ? Eh bien, il va causer ta perte, et celle de tes semblables.
- Comment cela, dit le rat, je ne comprends pas ?
- C'est pourtant très simple, dit l'intrigante : si un humain venait à pousser le portail du jardin et qu'il découvrait cet épi de blé, rayonnant de force et de jeunesse, il va tout de suite comprendre que ce jardin, pourrait être mieux entretenu. Que sa terre est bonne et fertile et cela pourrait, sûrement, le pousser à mettre de l'ordre, et dans le jardin, et dans la bâtisse. Cette maison sera, donc, de nouveau habitable. Et si les humains viennent s'y installer - c'est comme - ceux qui en pâtiront le plus et les premiers, ce sont vous les rats. Car, les hommes ne vous supportent pas. Tandis que si ce satané épi de blé était éradiqué, et remplacé par une de mes plus moches consœurs avachies, les humains ne prêteront aucune attention à ce taudis, dont le jardin est une véritable poubelle. Et on pourrait, par conséquent, continuer à y vivre en paix.
Le caïd des rats fut convaincu. Conseillé par l'intrigante, épaulé par ses confrères, il remplit de pierres le sillon, qui me ralliait au ruisseau extérieur. Au bout de quelques jours, ma tige se courba, mes racines recommencèrent à flétrir, mes grains noircirent et se ridèrent. Je sentis la somnolence et la torpeur me gagner, jour après jour.
Aujourd'hui, je ne suis plus qu'un projet de bel épi de blé, avorté à la fleur de l'âge. Un rêve oublié... Une minable plante avachie parmi tant d'autres et qui attend - sans trop y croire - qu'une autre tempête, impossible, improbable, vienne m'arracher du ghetto où je suis tombé, pour me ramener au sein de ma terre-mère, à laquelle je fus arraché.
Ce n'est qu'un rêve, insensé, mais la déraison a quelquefois, force de loi. J'y ai toujours cru. J'y crois encore. C'est peut-être la seule chose qui différencie mon demi-sommeil, de celui des autres plantes qui m'entourent. Alors, qu'elles s'acheminent, mollement, vers une lente décomposition, moi, je continue à lutter... à lutter en rêvant.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.