Si 40% du salaire du Tunisien vont les dépenses pour l'alimentation, cela veut tout simplement dire que le couffin de la ménagère nous colle à la peau. Nous avons beau nous tourner vers les soldes, ces derniers jours ; les gens feignent de l'oublier le temps d'une soirée sympathique avec des amis, d'une sortie en banlieue, d'une visite à la famille, d'une émission de variétés ou d'un feuilleton. . Ils n'ont pas fini de savourer cette fugace distraction que déjà il s'impose de nouveau à leurs esprits, à leur mémoire et à leurs poches. Le couffin est notre destin, ou pour rester plus près des réalités, il est notre pain quotidien. Nous croyons lui échapper en déjeunant ou en dînant ailleurs que chez nous ; en fait nous payons plus cher, de la sorte, le couffin rempli par nos « hôtes ». Ce qui vous revient à 5 dinars seulement à la maison, vous coûte au moins le double dehors. Autant revenir dans ce cas à son cher petit couffin, à son sac, à son « chassi » comme disent certains de nos compatriotes, très calés en phonétique française, pour désigner le sachet. En tout cas, ça vaut mieux ainsi parce qu'en s'occupant d'autre chose, vous laissez faire ceux qui ne vous veulent à vous et à votre couffin que du mal !
Pendant que les Tunisiens font les magasins et les boutiques à la recherche d'articles vraiment, vraiment soldés, au marché on ne consent pas la moindre ristourne. Bien au contraire, les prix, tous les prix, ont augmenté. Le poisson le plus menu, comme la sardine et le tout petit merlan, la roussette et le pageot de quelques centimètres, le calmar minuscule et les chevrettes presque invisibles sont hors d'atteinte pour les budgets modestes ou moyens. Les inconditionnels de la viande de poisson en sont réduits à faire des concessions au niveau des quantités habituellement achetées : une livre au lieu d'un kilo, 300 grammes c'est bon, 200 grammes ça peut suffire. Pour le gros poisson, c'est trop lourd à porter et à payer : le thon vendu il y a un mois à 4 dinars le kilo est proposé sur les étals les moins chers à près de 6 dinars, la daurade est à 8 dinars, le bon rouget à 9 et à 10 dinars, le loup et le mérou d'élevage à au moins 7 dinars ! Ce dimanche, les clients des poissonniers du marché central faisaient tous grise mine et hésitaient longtemps avant de dire bonjour au vendeur. Au moment de payer, pas un n'avait le sourire ! D'autres n'achetaient rien et faisaient leurs va-et-vient continus entre les étals des riches et ceux des pauvres, pour constater qu'ici et là, personne n'a eu pitié de leur bourse ! L'excuse : c'est l'hiver, le mauvais temps et la rareté du poisson qui font monter les prix. Manifestement, la mer ne connaît pas les soldes d'hiver ! Ça monte et ne descend pas Les bouchers non plus d'ailleurs : la viande de mouton est revenue à ses 12 dinars le kilo après être pour quelque temps descendue à 10 dinars 500. Le foie atteindra bientôt les 20 dinars. Chez les marchands de volaille, pas la moindre baisse de prix, ni dans la viande de poulet ni dans celle de la dinde. Pour le salami à 2 dinars au mois de décembre, il est maintenant vendu à 2 dinars 500. Chez les marchands de fruits, les mandarines de fin de saison ont soit disparu, soit vu leur prix doubler. Celui des oranges Thompson ou Nevel a augmenté de 200 millimes au moins. Les bananes non défraîchies sont à 2 dinars 200 après avoir été à seulement 1 dinar 800 fin janvier. Les poires insipides et les pommes inodores sont peut-être les moins chères : on les propose à moins d'un dinar le kilo. Il n'en est pas de même des belles Golden ou des pommes de Sbiba : c'est à 2 dinars le kilo chez les marchands « compréhensifs » ! Au marché aux légumes, on attend toujours que les petits pois et les artichauts soient plus accessibles pour les budgets moyens, sinon tout est au prix d'il y a deux mois. On doit tout de même reconnaître que, dans les épiceries, le prix de l'huile d'olive a nettement baissé par rapport à celui de l'année dernière : c'est entre 3 dinars 800 et 4 dinars 200 le litre. Même l'huile en bouteille a baissé d'environ un dinar. Le thon en conserve quant à lui n'arrête pas de grimper, la boîte qui coûtait en février 2008 tout au plus 2 dinars 400 est à presque 3 dinars aujourd'hui. Le thon importé a augmenté d'au moins 100 millimes par rapport aux prix de l'été dernier. En attendant les soldes du couffin Si « avantage » il y a dans ces augmentations généralisées, c'est que le couffin ou le « sachi » pèsera moins lourd pour son porteur. Et à la maison, on préparera plus rapidement une ojja bien relevée, un borghol bien chaud, une soupe forte et bien aillée et une recette de toujours : la savoureuse chakchouka bien de chez nous ! Pour ces derniers jours de l'hiver 2009, nos couffins peuvent encore se passer de viande et de fruits trop chers. On garde encore les provisions salées et bien conservées de l'Aid el Kébir et quelques fruits séchés de l'été et l'on attend patiemment les soldes du... couffin !