La peur au ventre. Pression intenable. Excès de prudence et excès de « tacticisme » : un derby d'une telle intensité ne peut pas être abordé autrement. Des deux côtés, il y avait, dès le départ, l'urgence de positionnement. Avec deux lignes médianes s'étant reconverties en contristes, il n'y avait guère de place à la création et encore moins, au sens de la géométrie. Il n'empêche : l'Espérance faisait preuve, dès le départ, d'une meilleure possession de la balle, recherchant les triangulations et surtout un ascendant au milieu de terrain, dont on se doutait bien qu'il représentait le nœud gordien, la clé de voûte. La force de l'Espérance réside, en effet, dans son milieu de terrain surtout quand il évolue en losange. Celle du Club Africain réside, elle aussi dans sa ligne médiane à condition que ses joueurs de couloirs fassent preuve de percussion. Les Clubistes sont en effet redoutables sur les côtés surtout lorsqu'ils opèrent des changements d'ailes ou distillent des balles dans le dos de l'adversaire. Durant la première moitié de la mi-temps, nous avons néanmoins vu une défense espérantiste frileuse, timorée et surtout sur le flanc droit avec un Derbali, submergé par les rushs de Sellami systématiquement appuyé par Messaâdi. Traoré avait pour consigne de fixer l'axe espérantiste où Loué et Korbi (et surtout Korbi) ne trouvaient guère la juste mesure pour relancer ce qui fait que Michael devait revenir en arrière, toujours dos à l'adversaire pour desserrer l'étau clubiste. Et pire que tout, Tayeb jouait trop long, comme pour se débarrasser de la balle. Darragi chercha à stabiliser la ligne médiane, eut même ses incursions habituelles sur balles arrêtées et surtout à la 24',quand, seul face à Berrejeb, il reprit la balle de la tête au-dessus de la transversale. Ce qui était évident en tous les cas, c'est qu'au fur et à mesure que s'égrenaient les minutes, les Clubistes gagnaient en assurance, flairant les brèches béantes dans l'entre-jeu, et sur les flancs espérantistes. L'action du but clubiste (26') est typique. Une contre-attaque rapide, cinq passes en sortie de balles avec Sellami sur la gauche qui centre littéralement sur la droite ou Messaâdi fait virevolter Chemmam et centre à son tour sur Dhaouadi en embuscade et qui reprend de l'intérieur du pied droit dans les filets de Mejri. Derbali était resté derrière... Du coup, le Club Africain prenait carrément le match en main. Sur le plan individuel les Clubistes étaient mieux en jambes, sûrs d'eux, et à un certain moment dominateurs dans les duels « homme à homme ». Leur ligne médiane, habile à jouer sur l'anticipation, était soudée et reliée à la défense comme par un fil invisible. En face, l'Espérance accusait une absence d'automatismes, une absence d'idées avec des mailles défensives détendues et un milieu de terrain incapable de concevoir les offensives et pastichant même en phase défensive. La mi-temps se terminait avec un Club Africain qui donne l'impression de maîtriser son sujet. En un mot : le métier. Oui, les Clubistes faisaient valoir leur métier tandis que De Moraïs et Kenzari regardaient, impassibles ou peut-être même impuissants leur équipe se fondre dans un jeu emprunté sans tête, ni jambes.
Contres meurtriers Dans l'absolu, ce derby ne tenait pas ses promesses. L'intensité était plutôt sur les gradins et l'affluence les cors et cris n'avaient rien à envier aux grands matches européens. Sinon, sur le terrain, à la reprise, il n'y avait, a priori, rien de nouveau, si ce n'est que le Club Africain accentuait ses contre-attaques. Sur l'une d'elles Wissem Ben Yahia, était libéré en profondeur par Amri. Il fonce droit vers le but et Jabeur ne put que le faucher. Un penalty parfaitement légitime, exécuté avec beaucoup de sang froid par Sellami (52'). De Moraïs avait eu beau de lancer Msakni à la place de Tayeb, avec pour consigne d'attaquer balle au pied la défense clubiste. Rien n'y fit a priori. Et après le penalty, Bouazzi remplaçait Korbi. Il est clair que le maillon faible espérantiste est dans son milieu de terrain. Pire : c'était la débandade dans les rangs espérantistes. La (59') le confirma, d'ailleurs, avec Sellami qui décoche un tir des 25 mètres, avec la balle qui percute la tête de Abdi et va loger au bout d'une trajectoire diabolique dans la lucarne gauche de Mejri. Maintenant, même le banc espérantiste panique : Baghouli entre à la place de Bienvenu. Ben Chikha riposte avec Nour Hadhria à la place de Sellami. En fait, on ne sait pas vraiment ce qui a cloché au sein de l'Espérance. Mais, hier, c'était une équipe déséquilibrée, incapable d'attaquer, ne disposant guère d'excentrés et n'ayant pas réussi le moindre centrage. Quel schéma aura tracé le tandem De Moraïs-Kenzari ? Vraisemblablement, rien. Et d'ailleurs, en sont-ils capables ? Aucun signal. Aucune décision stratégique. Quelles consignes ? Le flou total... Alors, que dans le camp opposé, dans sa souffrance dignement contenue, Ben Chikha voyait clair, balisait chaque tronçon du terrain. Après le troisième but, les Clubistes se retrouvaient facilement, les yeux fermés même, parce que les repères étaient inamovibles. Et comme pour enfoncer le clou, Ben Chikha lance Tchala à la place de Traoré. Il comptait sur sa rapidité pour semer encore plus le trouble dans la défense espérantiste. A (3-0), les choses deviennent aisées pour les Clubistes. Maintenant, ils gèrent le match avec l'assurance de ceux qui se sentent supérieurs à leurs adversaires. Et ils le sont. Tout autour, la galerie espérantiste se dégarnissait. Une journée sans. Un cruel retour des choses. Du coup, l'Espérance perd le leadership ; ses joueurs font n'importe quoi - et même rater un but tout fait, comme avec Chemmam, 80' -. Inévitablement, les fans espérantistes se posent des questions amères. Qu'est-ce qui explique que l'équipe ait dégringolé avec une telle fulgurance ? Et si De Moraïs n'était finalement qu'un pétard mouillé ? Un taxiste au volant d'une Ferrari ? Raouf KHALSI
Synopsis • Stade de Radès • Temps doux • Spectateurs, environ 60 mille • Arbitrage du Norvégien Tom Ovrebo • Club Africain-Espérance S.T (3-0) • Buts de Dhaouadi et doublé de Sellami. • Avertissements : Amri, Traoré et Ifa (CA) • Expulsion de Loué (EST) • Formation des équipes : CA : Ben Rjeb, Ifa, Bachtobji, Souissi, Amri, Yahia, Helmi Hmam, Dhaouadi, Messaâdi (Saïdi), Sellami (Nour Hadhria), Traoré (Tchala) EST : Mejri, Derbali, Abdi, Jabeur, Chemmam, Korbi (Bouazzi), Loué, Darragi, Tayeb (Msakni), Bienvenu (Baghouli), Michael.