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Qui fait la loi au marché de gros de Bir El Kassaa ?
Reportage
Publié dans Le Temps le 07 - 04 - 2009


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Entre l'enclume des revendeurs « gachchara » et le marteau des intermédiaires -Habbata-,agriculteurs et consommateurs sont les grands perdants
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C'est l'anarchie dans les circuits de distribution : moins de la moitié de la production transite par le marché de gros.
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La pénurie des pommes de terre est due au coût élevé de sa production.
Les Halles de Tunis, on peut appeler ainsi cette aire immense qu'occupe le marché de gros de Bir el Kassaa. Dimanche dernier, nous nous y sommes rendus dès 5 heures du matin et déjà ça grouillait de monde ! Une vraie fourmilière où chacun vaquait à ses occupations. Des centaines de véhicules étaient déjà garés près des multiples quais de la place et tout autour également. Il y avait bien évidemment les camions et estafettes des agriculteurs et des transporteurs. Des voitures particulières stationnaient aussi dans les parkings du marché et l'on croisait un nombre incalculable de chariots poussés par des centaines d'ouvriers dont l'âge variait entre 18 et 60 ans. Les cafés de la place servaient déjà les clients et à tous les coins du marché, des petits commerçants vendaient qui ses pâtisseries, qui ses bols de sorgho chaud, qui son lablabi ou bien son keftaji bien relevés, qui encore ses sandwiches à la rustique, qui enfin une citronnade et des tranches de biscuits croquants. Mais on proposait aussi des marchandises variées comme on en trouve à la rue Boumendil, des fripiers étalaient leurs vieilleries sur des nappes à l'avenant et quelques mendiants faisaient la manche ici et là. Nous avons rencontré des élèves en train de ramasser les petits poissons qui tombaient des cageots ou les fruits et légumes laissés par les vendeurs. Une vieille dame demandait aux poissonniers de la glace en vrac pour conserver le fretin qu'elle avait glané. Et ça discutait, papotait ou criait de partout.

Une institution
La construction du marché de gros date du début des années 80 et a coûté à l'Etat près de 7 milliards de nos millimes. L'espace comporte plusieurs pavillons dont la majorité est destinée à la vente des fruits et légumes. Plus de 200 intermédiaires patentés y tiennent des « carreaux » bien délimités avec des bandes blanches ; ils font travailler 1230 ouvriers pour le chargement ou le déchargement des marchandises. Ces employés font partie d'une coopérative qui prélève leurs salaires sur les gains de l'intermédiaire et ceux de l'agriculteur. La marchandise qu'on y vend provient de toutes les régions et villes du pays : certains agriculteurs que nous avons interrogés sont originaires de Tozeur, de Kébili ou de Tataouine. Au marché des légumes et des fruits, le spectacle est presque effarant quand commence la vente en gros ; c'est que le mouvement est si dense et les cageots tellement nombreux qu'on ne sait plus par où passer ni où donner de la tête. Des milliers de tonnes de produits vous entourent où que vous vous trouviez dans le pavillon. Les acheteurs font leur va-et-vient des dizaines de fois pour en acheter au prix les plus bas. Ils ne désespèrent jamais d'une ristourne et marchandent autant de fois qu'ils le peuvent avec les intermédiaires. Ces derniers finissent toujours par accorder une baisse relative de leurs prix. Cela peut durer des heures, en tout cas lorsque nous avons quitté les halles vers 10 heures du matin, il y avait plus de voitures qui y entraient que de véhicules qui en partaient. Mais les vrais problèmes là-bas n'ont pas trait aux flux des personnes ni à celui des véhicules.

Anarchie et conflits d'intérêts
Tout le monde se plaint de l'anarchie qui règne sur les lieux et pas un seul ne reconnaît sa part de responsabilité dans cette désorganisation. Les uns accusent l'intermédiaire de faire monter les prix, d'autres dénoncent l'administration du coin ou certaines instances du ministère du commerce, on n'épargne pas non plus les agriculteurs qui ne passent plus par les circuits de distribution légaux et préfèrent écouler leurs marchandises sur les lieux de production même. Mais l'ennemi numéro un est désormais le revendeur qui s'interpose entre l'agriculteur et l'intermédiaire. Tous ceux à qui nous avons demandé de désigner le premier responsable de la flambée des prix furent unanimes pour en accuser « el gachar » (le revendeur). En fait, il y a trop d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur si bien que la marchandise qui coûte chez l'agriculteur 200 millimes est proposée à deux ou trois fois son prix au marché. Nous l'avons constaté en passant immédiatement des halles au marché central de Tunis et dans quelques grandes surfaces de la capitale. Le kilo de tomate vendu à 500 millimes par l'intermédiaire coûte jusqu'à 1080 millimes aux clients de ces espaces. Idem pour les prix de certains légumes et fruits qui sont majorés à plus de 50 % par rapport à ceux pratiqués au marché de gros. L'intermédiaire est pourtant accusé de tous les maux par certains consommateurs.

Qui sont les vrais requins du marché ?
Les intermédiaires forment au marché de Bir el Kassaa une corporation dont les membres sont en majorité originaires du Sud tunisien et principalement du gouvernorat de Tataouine. Ce « métier » se transmet souvent de père en fils et même les ouvriers de la coopérative sont des proches ou des natifs de leur pays natal. « On nous accuse à tort d'être les requins du marché. Sachez que certains d'entre nous sont actuellement en prison ou bien ont été déjà condamnés pour des chèques impayés. Nous courons beaucoup de risques en avançant de l'argent aux agriculteurs et en acceptant de nous faire payer sur plusieurs échéances par les commerçants. Chaque intermédiaire a sa pile de factures impayées. Nous avons nos dépenses et Dieu sait si elles sont nombreuses ; et nos ouvriers qui les paie, et la patente, et les cageots ? On nous prend pour des millionnaires ou des milliardaires ? C'est, nous le jurons, une fausse impression et certains d'entre nous cultivent cette image juste pour frimer. Nous comprenons le consommateur quand il se plaint du coût élevé des produits du marché ; mais il est injuste qu'on nous en fasse endosser la responsabilité. Non, il y a aujourd'hui des réseaux de distribution qui s'organisent en dehors du marché de gros. Savez-vous que seuls 15 à 20 % de la marchandise qui se vend dans le grand Tunis transite par les halles de Bir el Kassaa. Cela fait des années que nous appelons au contrôle des circuits de distribution, mais nos doléances sont restées lettres mortes. Il est certain que cela profite aux réseaux dont nous vous parlions. C'est un dossier à rouvrir pour délimiter les responsabilités de chacun dans l'anarchie qui règne. On doit réunir autour d'une même table toutes les parties concernées et soulever avec courage et franchise tous les problèmes qui se posent ici et parmi les commerçants et les consommateurs. Vous verrez que nous ne sommes pas ceux qui ont la mainmise sur le marché et que nous ne décidons pas de tout ici. » Ainsi parlaient les intermédiaires et ceux qui les représentaient en leur absence. Personne n'a en revanche accepté de décliner son identité, craignant tous de subir le courroux d'on ne sait qui de plus influent.

Qui est derrière la pénurie des pommes de terre ?
Avec nos différents interlocuteurs (fellahs, intermédiaires et commerçants), nous avons évoqué la pénurie actuelle des pommes de terre et le recours par l'Etat à l'importation de ce légume incontournable dans la cuisine et la restauration tunisienne. Voilà ce qu'on nous a répondu : « Cette pénurie est devenue cyclique et cela fait plus de 15 ans qu'elle se reproduit. A quoi est-elle due ? C'est simple à expliquer : nos agriculteurs ne veulent plus cultiver la pomme de terre parce que le coût de production est très élevé. Il faut en effet acheter la bonne semence-donc la plus chère-, ensuite les engrais, les insecticides, payer l'eau de l'irrigation, les ouvriers, le transport pour en fin de compte vendre à perte ! 70 % des agriculteurs ont renoncé à cette culture peu rentable. Quant à ceux qui ne l'ont pas encore fait, ils vendent sur place pour échapper aux différentes taxes du marché de gros. En plus, cela leur permet d'épargner le prix du transport de la marchandise. Ce sont des revendeurs apparemment fortunés qui la leur achètent et la proposent au prix qu'ils décident. Il en va de même pour les tomates et certains fruits. » Concernant les prix des bananes qui grimpent de nouveau depuis quelques jours, on en impute la hausse aux taxes payées par l'intermédiaire à titre de frais de douane. « En vérité, nous dit-on, ce ne sont pas les importateurs qui vendent cher, mais dans le prix de la boîte de bananes, les taxes pèsent plus lourd que le coût du fruit. Le comble c'est que les services du ministère de l'économie nous imposent parfois de vendre à des tarifs inférieurs au prix d'achat, faute de quoi on nous pénalise lourdement. Les commerçants qui s'approvisionnent chez nous sont eux-mêmes excusables quand ils majorent leurs prix. Comme il s'agit d'un fruit facilement altérable, ils doivent très vite rentrer dans leurs frais sinon ils n'honoreront jamais les dettes contractées auprès des intermédiaires qui leur ont vendu à crédit. C'est encore plus complexe quand vous voulez comprendre d'autres rouages occultes du marché.»

Spéculation
Du côté des poissonneries, on regrette l'époque où les produits de la pêche se vendaient aux enchères. « Non aujourd'hui, ce sont les « gachara » qui font la pluie et le beau temps à Bir el Kassaa. Ils ont un truc que tout le monde a compris ici, mais contre lequel nous ne pouvons rien : quand ils débarquent au marché de gros, ils ne déchargent qu'une petite quantité de leur marchandise, faisant ainsi croire à la pénurie et obligeant les commerçants à s'empresser d'acheter à n'importe quel prix. Sinon, ils recourent à une autre astuce pour spéculer sur les prix. Ils congèlent une grande partie de leur poisson et quand il fait mauvais temps et notamment lorsqu'il y a trop de vent, ils ressortent la marchandise et font monter les prix.
Pour tout dire, le marché de gros ressemble selon certains à une jungle. Pourtant ce n'est pas cette impression qu'il vous donne lorsque vous n'avez pas encore posé vos questions aux différents intervenants. C'est au contraire un espace où tout semble suivre un ordre minutieux et irréprochable. Où donc réside la faille ? Les consommateurs veulent bien le savoir surtout qu'ils se trouvent en permanence entre l'enclume des uns et le marteau des autres !


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