"A long terme nous serons tous morts" C'est Keynes le grand théoricien du dirigisme d'Etat qui le dit. Pourquoi lui emprunter cette boutade? Eh bien tout simplement parce que la crise mondiale fournit de bons prétextes au retour du protectionnisme. Et le protectionnisme ne signifie pas uniquement cloisonnement des économies et élévation de nouvelles barrières. Il favorise de manière insidieuse la résurgence des idéologies. Ici les Altermondistes font tonner leur colère contre la mondialisation et ses retombées néfastes. Là, les nostalgiques d'un certain socialisme se réimplantent dans l'utopie de "la société égalitaire", premier clin d'œil pour l'"ami Marx" dont on invoque la résurrection. Si la démence schizophrène de quelques illuminés de la finance a provoqué ce cataclysme, cela veut dire par ricochet que quelque chose dans le système a agi à l'insu de la régulation et qu'en tous les cas le libéralisme économique a lui-même besoin de s'auto-contrôler. En aucun cas, son modèle ne saurait être remis en question. Et c'est là que nous revenons à Keynes qui avait fini par tempérer: il comprit que le "long terme" en économie est une sorte de fossoyeur. Face aux basculements renversants de la conjoncture, on ne peut pas rester figé devant les incertitudes ni "prendre tout son temps" à élaborer des plans "à long terme" justement. Il n'y a d'immuable que les équilibres socio-économiques. Il n'est de dualité fiable que le dosage rationnel entre régulation (c'est-à-dire l'Etat) et le privé (c'est-à-dire le capital). Pour la Tunisie, l'urgence première est l'emploi. La création de richesses. La maîtrise de l'inflation la stimulation du pouvoir d'achat et, donc, de la production et de la croissance. C'est un travail à court terme à échéances immédiates et non comme le disent certaines tendances politiques, une affaire de long terme découlant d'une question politique. Il y a des problèmes urgents. La Tunisie de 2009, année charnière des élections, a besoin de continuité dans ses prises de décisions immédiates. Par réalisme, les autorités publiques ont annoncé une révision du taux de croissance à la baisse. C'est cela le pragmatisme. C'est cela l'effet d'urgence. Car les enjeux, les vrais sont socio-économiques. Ceux qui mettent en priorité les conflits politiques et les conflits de personnes au nom de tous les clichés universels marginalisent les urgences du pays. Car au fond les urgences ne sont pas que politiques.