On ne peut que déplorer la faiblesse de la culture juridique chez les citoyens si on se réfère à la nature et au nombre des litiges examinés annuellement par les différentes instances du tribunal immobilier, seule structure habilitée au règlement des litiges immobiliers. L'appréciation est d'autant plus critique si l'on sait qu'une campagne a été lancée depuis le début des années 1990 pour normaliser le circuit des affaires foncières et faciliter le transfert de propriété et le nantissement des titres. C'est ce qui ressort de la conférence de presse tenue, hier, par M. Ridha Grira, ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières qui a certes affirmé qu'une décentralisation des structures a été opérée avec la création de pas moins de 15 directions régionales des affaires foncières, que les bases de données concernant la propriété foncière ont été numérisées et que la consultation à distance des titres est en cours de réalisation. Selon le ministre, ces différentes mesures ont certes amélioré la visibilité concernant l'état de la propriété immobilière, elles ont également permis d'obtenir un pourcentage plus élevé de contrats rédigés selon les normes réglementaires par des rédacteurs agréés. Mais, a-t-il remarqué " l'administration n'a pas d'idée précise concernant le volume des titres en litige car on ne peut être informé du caractère contentieux d'un dossier qu'une fois il a été présenté au tribunal immobilier. Autrement, rien ne permet au service de la conservation foncière de connaître l'existence d'un tel contentieux ".
Nature des contentieux M. Ridha Grira n'a pas manqué d'énumérer des cas de contentieux foncier et de sensibiliser à l'obligation légale de l'enregistrement immédiat des contrats pour éviter lesdits contentieux. " Le rabaissement des charges d'enregistrement de 16,8 % à 5 % a été introduit dans le but d'encourager les acheteurs à appliquer cette mesure. En plus, le contrat signé uniquement à la municipalité ne peut justifier officiellement la propriété ", a-t-il expliqué. Or, et le ministre l'a confirmé, la réalité quotidienne montre qu'il y a encore des citoyens qui se limitent à signer leurs contrats à la municipalité. D'ailleurs, le volume des contentieux traités par le tribunal immobilier dénote d'une mauvaise application des procédures de la loi. Donc, malgré les différentes mesures entreprises, le contentieux foncier demeure lourd à gérer et l'intégration des propriétés immobilières dans le circuit économique se fait encore d'une manière lente.
Le contentieux latent La réalité montre que le contentieux immobilier persiste malgré les mesures entreprises par l'administration. On retrouve encore des lotissements de l'Agence Foncière de l'Habitat dont la situation foncière n'a pas été régularisée. Le dossier de l'épuration foncière des projets de la Société Nationale Immobilière de Tunisie continue à traîner. Une partie a été certes régularisée alors que le reste prend encore du temps, empêchant les propriétaires de pouvoir justifier de leurs propriétés auprès du circuit bancaire, tout comme les projets immobiliers des municipalités dans plusieurs gouvernorats qui attendent la régularisation. Les contentieux ne se limitent pas d'ailleurs aux anciens projets, les nouveaux continuent également à engendrer des problèmes immobiliers. Il y a des promoteurs qui ne respectent pas leurs engagements envers les nouveaux propriétaires en matière de plan de lotissement et d'appropriation individuelle après la remise des clés. Ces derniers se retrouvent dans l'obligation de régulariser cette problématique à leur propre compte. Une telle situation dénote certes d'une absence de culture juridique mais elle nécessite davantage de rigueur administrative en matière de propagation des concepts juridiques de l'appropriation légale et plus de normalisation des procédures chez les professionnels dans le monde de l'immobilier pour s'assurer du respect de la loi. Mourad SELLAMI ------------------------------------------- "100.000 dossiers de contentieux immobiliers étudiés par an !" Le Conservateur de la propriété foncière a parlé de 100.000 dossiers étudiés annuellement par le tribunal immobilier dont plus de 96 % sont régularisés. Ce chiffre paraît exagéré car 100.000 dossiers par an, c'est 330 dossiers par jour, en se référant à 300 jours ouvrables ! En plus, 100.000 dossiers par an, c'est 8 % du nombre total de titres fonciers recencés en Tunisie où il y a uniquement près de 1.200.000 titres !! Une précision s'impose.