* La mosquée Boulimane a fait l'objet de transformation et de réaménagements qui la spolient de son identité historique et culturelle. Ces pratiques sont monnaie courante à Djerba. L'ASSIDJE dénonce... La mosquée constitue incontestablement une composante fondamentale du patrimoine matériel bâti de Djerba. Leur nombre relativement élevé, Dr.Riadh Mrabet dans sa thèse de doctorat en a dénombré deux- cent- quatre -vingt- huit, dont deux- cent cinquante- six sont à ce jour visibles, et leurs particularités architecturales et esthétiques d'une rare beauté ont valu à l'île le qualificatif périphrastique méritoire de l' " île des mosquées ". Nul ne peut ignorer ce legs patrimonial valorisant, ni ne pas en admettre la force et la pertinence ; un visiteur averti ne peut se résoudre à visiter le territoire de l'île sans consacrer à cet héritage ancestral remarquable le temps qu'il faut pour constater de visu tout le bien qu'on dit de lui, et pour rendre hommage aux concepteurs bâtisseurs de ces espaces de culte, à leur génie créateur et à leur savoir-faire. Or, force est d'admettre que ce fleuron du patrimoine matériel bâti îlien est en proie aux pires exactions, subissant tantôt des actes de vandalisme, de saccage ou de profanation ; le cas des mosquées de Ouelhi, de Mrabet Belgacem à Ghizen, de Beni Daoued à Mezraya etc...en apporte la preuve, tantôt des interventions déformantes, et enlaidissantes. Les forces du " mal " et de la nuisance ne sont pas prêtes à lâcher prise. La non réaction et l'absence de mesures punitives et dissuasives de la part de qui de droit ne sont que pour les encourager à aller loin en besogne, ces profanateurs ignares à la recherche de je ne sais quel trésor enfoui, ces saccageurs sans scrupules, cupides cherchant à vendre à bon prix les vieilles pierres et les arcs de voûtes descellés et volés, et ces pseudo fidèles qui s'aventurent sans connaissance dans des entreprises de réaménagement, leur unique souci consistant à doter le monument séculaire d'éléments superflus lui garantissant, selon leur logique le confort matériel. La dernière victime en date venue s'ajouter à la liste noire des monuments défigurés, profanés ou abandonnés, loin d'être des moindres, n'est autre que la mosquée Boulimane située à Jaâbira, quartier rural relevant de la commune d'Ajim. Un joyau architectural à la physionomie si singulière illustrant la philosophie et l'esprit distinctifs de la culture ibadhite ayant pour constantes la simplicité, la sobriété et la modestie de l'expression des formes, bannissant le gigantisme et l'exubérance, principes chers prônés par ses adeptes dans leur conception de l'espace du culte. Les documents en notre possession attestent que ce monument, ensemble avec la mosquée Boumessouer, est le plus ancien lieu de culte musulman à Djerba. Nos sources indiquent en effet qu'il fut érigé au début du IVè siècle de l'Hégire, correspondant au XIè ap.jc, par Cheikh Ali Ibn Abi Limane. Il constitue un haut lieu de l'histoire et de la culture ibadhites, ayant servi d'espace d'érudition et de formation théologiques. Des travaux d'extension et de réaménagement sont incessamment entrepris par ces bienfaiteurs de circonstances qui s'entêtent insolemment à agir à leur guise, en dépit de la désapprobation catégorique des représentants locaux de l'Institut National du Patrimoine consultés préalablement, : ils ont fait construire un haut minaret arrogant qui n'a d'autre mérite que de satisfaire leur sens inné de la démesure, de l'inesthétique et de la médiocrité et de dévaloriser le reste de la structure pourtant séculaire, pour passer ensuite à la vitesse supérieure et raser à la base, sans vergogne, sans gêne, le si minuscule, mais combien harmonieux minaret, ou " manara ", élément emblématique traduisant le souci du Djerbien de faire adapter la mosquée au contexte de l'île. Servant pour la diffusion et la circulation de l'information à l'échelle de l'individu et de la communauté, du temps où l'île devait faire face aux assauts et aux incursions étrangers dans la perspective de la conquête de l'île.. Ces gens comptent aller de l'avant et envisagent d'endommager davantage le monument pour agrandir la salle de prière de façon à en renforcer la capacité d'accueil. L'ASSIDJE (Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba), dans sa lutte contre les agressions incessantes et la nuisance outrancière qui frappent gravement les composantes du patrimoine matériel et immatériel de l'île, et les infractions devenues coutumières perpétrées aussi bien par les individus que par certains acteurs institutionnels en mal de conscience, a informé les autorités régionales et locales. L'Institut National du patrimoine et l'Agence de mise en valeur du Patrimoine et de la Promotion Culturelle ont été à leur tour mis au courant. La mosquée Boulimane doit se remettre de la blessure dont elle a fait l'objet, recouvrer sa dignité et son honneur bafoués ; elle doit récupérer ce dont des mains insensées l'ont privée. L'ASSIDJE, en collaboration avec l'Institut National du Patrimoine et confiante de la compréhension des autorités régionale et locale, compte résolument y parvenir. Elle sollicite et interpelle les médias en vue de parvenir à diffuser à grande échelle l'information de façon à la communiquer à l'opinion publique dans l'espoir de la voir s'impliquer dans le processus de sauvegarde du patrimoine ; à ce titre, l'ASSIDJE est reconnaissante au journal Le Temps qui a publié à la date du lundi 06 février 2006 un article grâce auquel les vielles pierres et les arcs de voûtes volés de la mosquée Ouelhi ont été récupérés, le malfaiteur arrêté, l'honneur de la mosquée recouvrée et la justice rendue. L'ASSIDJE compte user de tous les recours légaux pour contrecarrer cette tendance généralisée à la nuisance. La volonté de changement de caractère de certaines zones agricoles en zones urbaines expressément manifestée par quelques décideurs municipaux, la démolition à répétition du patrimoine bâti ( les houch, les ateliers de tissage, les mosquées, les huileries etc...), l'état d'abandon caractérisant hélas les menzels en friche, l'arrachage des palmiers, l'extraction du sable, l'exploitation irrationnelle et folklorisée du patrimoine culturel, la prolifération des déchets solides due à la mauvaise gestion... sont autant de soucis qui préoccupent l'ASSIDJE et les amoureux de l'île naguère " des rêves ", actuellement en perdition et dans une phase de métamorphose dont nous craignons qu'elle soit irrémédiable. Naceur Bouabid