Quatorze ans après la création du processus de Barcelone et indépendamment du bilan mitigé de l'accord portant instauration d'un espace euro-méditerranéen économique, politique, culturel, social et financier commun, la question qui se pose aujourd'hui est la suivante : Quel avenir pour le partenariat euro-méditerranéen à la lumière de la conjoncture internationale actuelle ?. La crise actuelle qui fait chambarder les grandes puissances mondiales pose la problématique du rôle qui reste à jouer par le Sud de la Méditerranée dans la nouvelle carte mondiale et des perspectives du partenariat Nord/Sud. Les défis à relever par les pays du Nord de la Mare Nostrum et par les pays de la rive Sud sont-ils concomitants? Pour sortir du marasme économique actuel, une conjonction des efforts a été redoublée entre pays de l'Union Européenne, les Etats-Unis et certains pays de l'Asie. La préservation des intérêts communs l'exige : des accords multilatéraux et des plans régionaux ont été dès lors mis sur la table de discussions pour endiguer les effets de la crise sur les économies développées. Toutefois et même si les contrecoups de la crise diffèrent d'une région à une autre et d'un pays à un autre, la globalisation de la crise impose une convergence d'intérêts et de stratégie, notamment entre les pays du Nord et les pays du Sud de la Méditerranée. Comment peut-on sauvegarder le partenariat économique séculaire entre les deux rives de la Mare Nostrum sur fond de crise, sachant que le bilan « avant-crise » du partenariat euro-méd était déjà en deçà des attentes?. Le 8ème colloque annuel euro-méditerranéen organisé hier à l'initiative du Centre de la Ligue des Etats Arabes a débattu des conséquences de la crise économique et financière sur la coopération euro-méditerranéenne. M.Chedly Neffati, Secrétaire général adjoint de la Ligue des Etats Arabes et président du Centre de Tunis n'a pas caché les inquiétudes des pays du Nord quant aux répercussions de la récession économique confirmée pour les pays de l'Union Européenne sur les relations économiques Nord/Sud. « Une récession qui risque d'amener les pays de l'UE à sombrer dans une politique protectionniste à l'égard de leur production nationale et de resserrer leurs aides et leurs investissements à destination des pays du Sud », déclare M.Neffati. D'où l'utilité à approfondir la réflexion autour des problématiques et des défis communs aux deux rives. « De manière à garantir la pérennité du projet de création d'un espace euro-méditerranéen commun de paix, de stabilité et de prospérité », ajoute le secrétaire général adjoint de la Ligue des Etats Arabes. Toutefois et en passant au peigne fin l'état d'avancement du processus de Barcelone, la léthargie et la faiblesse des résultats enregistrés 14 ans après la mise en place de l'accord de partenariat sautent aux yeux de tout un chacun. Taoufik Baccar, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie a mis à ce titre l'accent sur la précarité du rythme d'évolution du partenariat euro-méd tout en aspirant à de bonnes fins pour le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Le Gouverneur de la Banque Centrale a appelé à une intensification des efforts permettant de contenir les effets socio-économiques de la crise. « Des défis fondamentaux face à une crise financière globalisée », affirme M. Chedly Ayari, professeur émérite en passant en revue les indicateurs alarmants qui continuent de ternir l'économie mondiale d'où le déficit commercial, l'envolée du chômage, la saignée de l'endettement public, la chute des exportations et le repli de la production. Pour les pays du Sud de la Méditerranée, et même si la situation actuelle est hétérogène, elle diffère d'une région à une autre et d'un pays à un autre. La crise actuelle risque de balayer 20 années de progrès ou d'avancées réalisés différemment par les pays de la rive Sud de la Méditerranée. « Une crise financière retardée pourrait effacer 20 ans de progrès », affirme M. Jean-Louis Reiffers, président du Conseil scientifique de l'Institut de la Méditerranée. Analysant la situation actuelle de certains pays du Sud, M. Reiffers s'est félicité du schéma de croissance emprunté par la Tunisie. Il s'agit entre autres d'une croissance intensive fondée sur la productivité et de la non-convertibilité totale du dinar. « Dieu merci, la Tunisie n'a pas achevé le processus de convertibilité du dinar, sinon elle aurait déjà déchu en pleine crise ». Toutefois il a déploré le taux de chômage des diplômés qui demeure élevé en Tunisie et l'asymétrie de l'information financière en Tunisie. Le manque de transparence dans l'information financière a constitué selon lui un atout pour l'économie puisque l'ignorance des particuliers minimisait les risques d''affollement des uns et des autres. Le président du Conseil scientifique de l'Institut de la Méditerranée, a néanmoins affirmé que : « Les effets à retardement seront très forts ». Les effets de contagion présentés concernent pour l'essentiel : le déficit inexorable de la balance commerciale, le recul des IDE, la baisse des transferts des non résidents à l'étranger, une détérioration du portefuille des banques et une baisse des réserves en devises. Du fait, M. Reiffers a appelé à une poursuite des réformes et à davantage de prudence quant aux éventuelles crises de réserves en devises. Sur le plan régional, M.Reiffers sollicite les pays de la rive du Sud de la Méditerranée à jouer la carte de l'Union pour la Méditerrannée et d'éviter les tendances protectionnistes. Il n'a pas occulté par ailleurs de mettre en avant l'intérêt de l'Union Européenne vis à vis des pays de l'Est. « Au moment où la CE a alloué 70 milliards d'euros à la Pologne, 10 milliards d'euros ont été alloués pour l'ensemble des pays de la Méditerranée dans le cadre du processus de Barcelone ». Le projet de l'UPM est dès lors présenté comme l'issue de secours euro-méd pour sortir de la crise. M.Moncef Ben Slama, professeur émérite, ancien doyen de la Faculté des sciences contiguës et de gestion (Université de Tunis), a plaidé dans ce sens à une co-décision euro-méditerranéenne au sein de l'UPM. M. Reiffers a affirmé au Temps que la crise actuelle serait l'occasion propice pour relancer le projet de l'Union pour la Méditerrané.