Pendant son exil irakien, de 1963 à 1978, l'Ayatollah Khomeïny a conçu la théorie de Wilayat Al Fakih " Gouvernance du jurisconsulte ", pour l'appliquer, par la suite, en Iran, après son accession au pouvoir et l'instauration de la République islamique suite au succès, à l'époque, de la Révolution iranienne. Cette révolution a symbolisé la victoire des " Moustadhâfines " (Les déshérités) sur les forces de l'Istikbar , " incarnées " par le régime du Shah et ses alliés occidentaux, notamment les Etats-Unis, " le grand Satan ", selon la terminologie de cette révolution. Cette révolution a été vue pour longtemps comme un modèle à suivre et a donné un élan évident aux différents courants islamistes. Le régime à Téhéran a gagné ainsi une sorte de pérennité. Khomeïny va, également, concevoir la coexistence de courants au sein même du système, déclarant que " le régime issu de la Révolution doit voler avec deux ailes ". Une formule savante qui devait permettre " d'aérer " le système et de créer un réel débat interne et une compétition entre ses différentes composantes. Ceci va donner lieu à de vraies campagnes électorales pour la présidence de la République entre deux courants : les conservateurs et les réformateurs. Au fil des consultations, les deux camps se succédaient à la présidence, donnant au paysage politique l'image d'un régime démocratique, mais à l'iranienne, tant qu'il est toujours encadré par le guide suprême et le Conseil du discernement de l'intérêt du régime. Deux instances, dont l'arbitrage penchait dans la plupart des cas en faveur du camp conservateur. Pour les dernières élections, gagées par le conservateur Ahmadinejad et considérées par Ali Khamenei comme une " vraie fête ", la situation a radicalement changé. L'autre camp qui conteste les résultats électoraux a transféré le mécontentement à la rue, mobilisant des centaines de milliers de manifestants. L'affrontement avec les forces de l'ordre, fidèles aux conservateurs, était inévitable. L'ampleur de cette contestation pousse à poser la question de la vitalité de ce système " démocratique quadrillé ". Les jeunes et les femmes étant la composante essentielle des contestataires, une sorte de fissure s'établit avec l'establishment politique et religieux. Est-ce la fin et limites de la théorie du Welayat Al Faqih, qui aurait fait son temps ? Le régime est-il encore capable d'évoluer avec la coexistence des courants en son sein ?. Les défis posés à l'Iran, sa position de puissance régionale et ses ambitions nucléaires rendent encore délicate la situation, suivie attentivement d'ailleurs par toutes les puissances internationales. Le système semble peu convaincant pour une large frange de la population qui ne se retrouve plus dans cette configuration cléricale. La tradition contestataire, bien ancrée dans la culture chiite depuis le martyre de l'Imam Hussein à Kerbala, pourrait également expliquer cet élan de protestations. Même, Moussavi, un pur produit du système, n'est pas celui qui devrait incarner les aspirations des manifestants. Une chose est sûre, ce modèle ne fait plus rêver en Iran, néanmoins, le paradoxe demeure frappant quand on constate que le système iranien est porteur, chez les courants fondamentalistes, d'un modèle à imiter.