Après quelques décennies de bon et loyaux services, parsemés de quelques bassesses et de menues trahisons, il a atteint l'âge de la retraite et a été remercié par son directeur pour ses bons et loyaux services au cours d'une cérémonie réunissant plusieurs de ses collègues... Problème : il ne comprenait pas le sens du mot " retraite ". Lui, il n'a eu d'autres amis que ses collègues. En outre, il est toujours arrivé à l'heure, il a également fait son travail consciencieusement durant plus de trente cinq ans, sans jamais prendre de congé de maladie. Alors, il prenait cet éloignement comme une punition, comme un châtiment pour un crime qu'il n'a pas commis. Et depuis ce jour funeste où on lui a remis un petit cadeau d'Adieu, comme pour le pousser à partir, il mettait son costume délavé et sa cravate à pois tous les jours de la semaine, puis il pointait à huit heures du matin devant son administration, sa deuxième maison. Ses anciens collègues le saluaient sur un ton blasé, voire froid pour certains, puis ils rejoignaient leurs bureaux et lui, il restait là, rejeté, exclu, malheureux... Mille questions envahissaient alors son esprit : " qui occupe mon bureau ? Que devient mon fauteuil préféré ? Et surtout comment l'administration peut-elle marcher sans moi, alors que je lui ai consacré toute ma vie et ma jeunesse ? " Notre pauvre bonhomme ne connaît certainement pas la fameuse phrase, attribuée à Napoléon III : " les cimetières sont peuplés de gens qui se croyaient indispensables ".