Qui parmi nous ne se rappelle les surnoms et les sobriquets dont on désignait certains instituteurs ou professeurs. De tout temps, la pratique a existé dans les établissements du primaire et du secondaire et beaucoup moins à l'Université. On mettait, dans cet exercice sans méchanceté en fait, beaucoup de zèle et d'imagination et l'on rivalisait d'inventivité pour trouver le surnom le plus original, le plus drôle et le plus viable ! Pour les créer, on se reportait aux fictions littéraires ou cinématographiques et l'on empruntait certains noms de personnages dont on affublait nos victimes. L'entourage familial ou social immédiat nous inspirait bien des sobriquets aussi. Aujourd'hui encore, on attribue généreusement cette sorte de faux-noms aux enseignants qu'on n'aime pas ou bien à ceux qui se prêtent d'une manière ou d'une autre à la raillerie. Les pupitres et les murs des classes se transforment parfois en véritable registre où sont notées les dénominations ridicules improvisées à propos non seulement du personnel enseignant mais aussi pour désigner certains membres de l'administration et quelques surveillants jugés antipathiques ou trop autoritaires. Les victimes de ce persiflage indirect peuvent ignorer les surnoms qui les concernent, ou alors ils font semblant de n'en avoir jamais entendu parler et ce, afin de limiter le champ de leur diffusion. Cependant, le jour où ils attrapent un élève qui en fait indiscrètement usage, ils ne lui pardonnent point l'imprudence et réclament à son encontre la plus sévère des sanctions. Le plus drôle dans l'histoire, c'est que de nombreux anciens garnements du genre qu'on vous décrit sont eux-mêmes aujourd'hui instituteurs, professeurs, directeurs, censeurs ou surveillants généraux ! Dans ce qui suit, deux d'entre eux se rappellent leurs facéties et leurs mésaventures avec les surnoms et sobriquets des enseignants. Du Moustique à L'Ours ! Moncef était très bon élève au collège et ne se permettait jamais de moqueries à l'encontre de ses professeurs. Un peu naïf sur les bords, il croyait tout ce que lui disaient ses camarades comme par exemple au sujet des noms de ses professeurs. Il apprit ainsi d'eux que son prof de mathématiques (français à l'époque) s'appelait « M.Moustique ». Or, il s'agissait d'un surnom que les élèves trouvaient convenir à ce professeur petit de taille, très mince mais également très sévère dans ses notes. Un jour, cet enseignant envoya Moncef à l'administration lui rapporter un té et un compas. Arrivé devant le bureau, le pauvre crédule expliqua au chef de l'établissement ce que voulait M.Moustique ! Le directeur demanda : « Qui dîtes-vous qui vous a envoyé ? » ; « C'est M.Moustique, le professeur de mathématiques. », répondit l'élève. Comprenant de qui il s'agissait, le fonctionnaire commença par gifler Moncef puis le punit de quatre heures de colle. Et c'était heureux ainsi, parce qu'un élève moins brillant aurait écopé d'un châtiment beaucoup plus sévère ! Mais dans le cas de Moncef, la punition ne lui servit pas de leçon, puisqu'il renouvela l'erreur en allant dire à son père que son professeur de français s'appelait « L'Ours » ! Le parent voulut un jour rencontrer cet enseignant et devant la salle des professeurs, demanda à voir « M.L'Ours » ! Heureusement pour lui, aucun règlement ne permettait dans le lycée de son fils, de sanctionner sa méprise. Par contre, Moncef en eut pour une bonne fessée quand il rentra chez lui !
A cause de Sharon ! Ridha n'a pas eu de professeur français ni au collège ni au lycée. Mais il était l'élève d'un enseignant tunisien surnommé « Sharon » par ses disciples. Celui-ci finit par savoir que ce sobriquet le visait et fit punir plusieurs élèves qui le prononçaient. Un jour que Ridha se préparait à passer un devoir avec un autre professeur, la discussion tourna entre les élèves sur les notes de M. « Sharon ». Chacun y allait de son invective et quand vint le tour de Ridha, le professeur en question passait par là. Sans s'en rendre compte, l'élève distrait poursuivit ses critiques et dans chacune d'elles répétait le sobriquet de l'enseignant. Celui-ci se retourna alors et l'attrapa par le col puis le conduisit jusqu'à l'administration où l'on demanda à Ridha de ne revenir au lycée qu'en compagnie de son père. Craignant la réaction de celui-ci, Ridha n'en dit rien à personne et deux jours après, parvint à reprendre les cours grâce à l'indulgence d'un surveillant qui accepta le certificat médical de complaisance rapporté par l'élève en faute. En tout cas, Ridha obtint un zéro au devoir qu'il avait manqué et faillit ne pas avoir son 10 de moyenne générale à cause de ... « Sharon » !