Hier soir, le monde qui se dit libre, défilait à Berlin, commémorant le vingtième anniversaire de la chute du Mur. Presque tous les chefs d'Etat présents et les dignitaires occidentaux n'avaient pas vu les Soviétiques séparer l'Allemagne et l'Europe en deux. Mais ils ont vu le Mur tomber. Gorbatchev, Kohl, Mitterrand, Reagan, venaient à bout de la résistance de Madame Thatcher qui craignait que l'Europe ne s'ancrât à l'Allemagne et pas l'inverse. Les faits lui donnent raison. Et après coup, on lit, à titre posthume, la déclaration d'un Mitterrand, amer, résigné mais plutôt caustique : « J'aime tellement l'Allemagne que j'en préfère deux » (cf. page 7). Ce monde libre, justement, traîne une espèce de honte. Il n'arrive pas encore à panser les plaies ; à cacher les stigmates d'une époque convulsive qui l'a vu abdiquer devant le Léviathan soviétique et se résigner à la déferlante des démocraties populaires, de l'univers totalitaire et, finalement, à faire avec... Ce côté solennel dans une réception qui met en sourdine les dissensions européennes du moment, peuvent à la limite, conférer bonne conscience à l'Occident. Or, par ricochet, la célébration de la chute du Mur de Berlin, justifie l'intensification, chaque année, de la célébration de la Shoah. L'Europe se sent, en effet, coupable d'avoir livré les Juifs aux Nazis... Cela, on le sait. Et puisqu'une conscience ne peut supporter qu'un seul poids, le Mur de Berlin restera érigé dans le mental de ce monde, dit libre, justement, pour ne pas regarder, ne pas réagir face à celui qui est en train d'emmurer les Palestiniens. Est-ce ainsi que ce monde libre se sent libéré des outrages faits à l'Histoire ? N'est-ce pas Churchill, homme libre dans un monde libre, qui avait redessiné, avec feutre, la carte du Moyen-Orient et fait, en sorte, que les Palestiniens soient chassés de leurs terres ? Monde libre ! Bel euphémisme. Belle supercherie. Belle hypocrisie, aussi... Ce qui est sûr, c'est que derrière ce Mur de la honte, les Palestiniens ont le sentiment d'être bien plus libres. Libres de se battre. Libres de refuser l'injustice. Libres d'être « exclus » de cette foire de la vanité des Occidentaux, appelée : « Droits de l'Homme ».