Le ton est monté d'un cran hier à la veille de la conférence sur le climat de Copenhague avec la multiplication des manifestations des écologistes face à l'inertie des dirigeants du monde qui rechigne à mettre la main à la poche et surtout devant l'insistance de certaines puissances émergentes qui refusent tout compromis. Le Temps-Agences- A la veille de l'ouverture de la conférence sur le climat de Copenhague où192 pays doivent d'ici au 18 décembre rechercher un accord mondial contre les dérèglements climatiques, dont un financement de l'adaptation des pays les plus vulnérables, le secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) a fait savoir hier qu'une dizaine de milliards de dollars par an seront nécessaires dans les trois prochaines années afin de répondre aux besoins les plus urgents des pays vulnérables face au changement climatique. «A court terme, il nous faudra 10 milliards en 2010, 10 milliards en 2011 et encore 10 milliards en 2012. Il s'agit d'un déblocage rapide du financement», a déclaré à la presse Yvo de Boer. «Ensuite, d'ici 2020, ou 2030, il nous faudra des sommes beaucoup plus significatives, de l'ordre de centaines de milliards de dollars, pour faire face à l'atténuation (du changement climatique) et à l'adaptation», a-t-il poursuivi, en insistant pour qu'il s'agisse de fonds additionnels à l'aide au développement. Malgré la venue annoncée d'autant de dirigeants de la planète, la conférence de Copenhague n'aura rien à voir avec un sommet international de pure forme, où tout est conclu avant même l'arrivée des participants. Tant sur le plan des objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) que sur la question des aides financières à apporter aux pays émergents afin qu'ils puissent faire face au réchauffement climatique et adapter leurs économies, le fossé demeure profond entre les pays riches et le monde en développement. L'enjeu est pourtant très grand et la présence de nombreux dirigeants ajoutera à la dramaturgie de la réunion. Cette conférence, censée être le couronnement de négociations entamées à Bali fin 2007, visera à s'entendre sur un nouveau traité fixant un plan de bataille contre le réchauffement climatique, qui succédera au protocole de Kyoto, lequel expire en 2012.
Fossé profond entre les riches et le monde en développement La pression sera d'autant plus grande sur les participants que la situation paraît plus dramatique encore qu'il y a douze ans à la conférence de Kyoto. Selon un rapport intitulé "Le diagnostic de Copenhague", 26 chercheurs ont conclu fin novembre que le réchauffement planétaire était plus rapide qu'on ne le pensait et que le niveau des mers pourrait, dans le pire des cas, s'élever de deux mètres avant la fin du siècle. Le Premier ministre danois, Lars Lokke Rasmussen, hôte de la conférence, a dit voir dans la venue d'un grand nombre d'hommes d'Etat le signe que "nous sommes sur la bonne voie". Si Rasmussen affiche un certain optimisme, le projet que fait circuler le Danemark et qui pourrait être proposé comme fil rouge des négociations - réduire les émissions de GES de 50% d'ici 2050 par rapport au niveau de 1990 - a déjà suscité une levée de boucliers chez les grands pays émergents que sont la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud. Selon ce projet, l'effort de réduction des émissions de GES incomberait à 80% aux pays riches mais ils n'auraient pas d'objectifs intermédiaires, ce sur quoi insistent les pays les plus pauvres, qui comptent parmi les plus menacés. Le projet préconise en outre un "pic" des rejets à l'échelle de la planète en 2020 et reprend à son compte l'objectif des climatologues de contenir sous 2° C l'élévation moyenne des températures. L'Inde a rapidement fait connaître son opposition au projet du Danemark, parlant d'une "impasse". Chine, Brésil et Afrique du Sud lui ont emboîté le pas, rejetant par exemple l'idée de fixer un pic d'émissions d'ici à 2020. Et jeudi, l'Inde a enfoncé le clou en assurant qu'elle ne signerait pas un accord contraignant sur des objectifs de réduction des émissions ou sur un pic d'émissions. Les puissances émergentes et en voie de développement, coalisées au sein d'un groupe de 77 pays, ont constitué, au cours d'une discrète réunion à Pékin fin novembre, un front commun avec lequel devront compter les pays riches, et qui conduit à relativiser l'optimisme qu'affiche Ban Ki-moon.
La température monte d'un cran Entre-temps et avant même le début de sommet la pression est montée d'un cran notamment de la part des écologistes. Des vagues de manifestants déferlant sur Bruxelles ou Londres, un train écologiste allant de Belgique au Danemark: des dizaines de milliers de personnes ont manifesté avant-hier en Europe. Le train spécial baptisé «Climate express» a quitté Bruxelles dans la matinée pour rejoindre Copenhague une douzaine d'heures plus tard. A son bord, plusieurs délégations (France, Belgique, Luxembourg) de négociateurs, experts et militants écologistes se rendant dans la capitale danoise, avec une escale à Cologne pour embarquer leurs homologues allemands. Dans une dizaine de villes de France, des centaines de personnes ont battu tambour et frappé casseroles et boîtes de conserve pour «monter le son». Des «flash-mob» organisées à 12h18 précises, en référence à la fin du sommet le 18. Des manifestations qui font craindre le pire quant à la sécurité des participants au Sommet. La police danoise était sur les dents hier à la veille de l'ouverture de la conférence climat des Nations unies pour laquelle 30.000 personnes sont attendues, ce qui constitue, de loin, le plus gros événement auquel le royaume ait été confronté dans son histoire contemporaine. La police danoise qui anticipe des débordements a mobilisé plus de la moitié de ses effectifs et même prévu un centre de détention spéciale pour les fauteurs de troubles. Signe de craintes, parfois démesurées, les accès au Bella Center, siège de la conférence climat de l'ONU, ainsi que le métro le desservant ont été brièvement suspendus dimanche après-midi en raison d'un objet suspect. Une valise abandonnée, finalement inoffensive, avait conduit les services de sécurité à suspendre les allées et venues vers et hors du centre pendant plus d'une demi-heure. Le trafic du métro desservant le Bella Center, qui avait été suspendu, a repris après la réouverture des portes, ont ajouté les témoins.