Lire " Ramad EL Hayat " le dernier livre de Hassouna Mesbahi. ; 180 pages qui se dévorent d'un trait ! Et puis, on réfléchit. Du talent ? Oui, certainement. Inspiré de Taieb Saleh et d'Amine Maalouf. Maitrise de la langue arabe ? Oui, tunisienne, féconde, imaginative, rêveuse, parfois dialectale ou presque. Colle-t-il à la réalité ? Il raconte le rêve prémonitoire un peu à la manière des vieux contes arabes. Il condamne le passé, l'Histoire ancienne et récente. Le roman aurait pu porter pour titre " Attih " (l'errance). Car l'auteur erre parmi les faits et gestes de son héros. Personnage perdu entre l'appartenance implacable (fin fond du Rif tunisien) jeté en pleine modernité Allemande. Il vogue, sillonne, laboure l'Europe : Paris, Madrid (Cordoue bien sûr), Rome, Vienne, Munich. Se réfugie dans les bars. Rencontre de femmes. Il ne se pose pas de questions sur sa passion d'alcool. Son ivresse. Car il est ivre : des coups que l'Histoire a assénés à son appartenance, à son moi collectif et individuel. ; L'enfant du Bled écrasé, l'Arabe de surcroit, broyé. Et l'Allemande qui, indulgente( ?) le rejette " rentre chez toi. Cela vaudrait mieux pour toi ". Il obéit. Hammamet, Tozeur, Douz : ultimes extrêmes conciliés dans le commun : l'appartenance. Crise identitaire profonde. Schizophrénie. Mal être. Au fond, c'est quoi la littérature ? Décrire la déchéance, depuis Dostoïevski. Il égrène les sommités : Lorca ; Niesche, Augustin. En garde des émerveillements. Et la quintessence ? Au fait faut -il être philosophe imprégné de Freud pour écrire ? A chacun sa littérature. Sa souffrance. L'art, sublimation de l'épreuve (Mouanat) ! Et puis faut -il des réponses à tout ? En a -t- on toujours ? L'homme maintenant : concerné par l'identité : Ben Ghedahom, Hallaj, Irak, Palestine, Islam, faits et méfaits triés sur fond d'Histoire de douleur. C'est sa profonde crise identitaire qui le lancine et qu'il dessine à chaque mot, à chaque ligne, à chaque page malgré le talent précoce d'écriture qu'on lui a reconnu. Touchant, Triste ? Ceci et cela ! Il faut pourtant assumer un jour : le bled, le pays et l'appartenance. Voir au-delà d'une nouvelle langue Arabe (Derouiche en a rêvé), encore impossible à concevoir, les possibilités et les petites victoires d'aujourd'hui. Après tout, nous sommes indépendants. Libres ou presque. Les épidémies éradiquées. Des lettrés à gogo. Une intelligentsia. Des spécialistes. Des érudits.des poètes. Et même des psychiatres ! Nous vivons au 21 ème siècle avec les aléas et les joies y inhérents. Nous appartenons à la rive sud, à l'hémisphère Sud. Le ciel y est moins clément, le soleil plus ardent, la langueur (la paresse) plus instinctive. Mais nous vivons. Nous cherchons des solutions. Nous bataillons. Nous faisons de notre mieux. Et la solution magique pour un progrès fulgurant et une modernité imposante ? Si nous la détenions, nous l'aurions saisie ! Ce n'est pas simple. Comme toujours lorsqu'il s'agit de tracer la voie. Alors ? Espérer. Travailler. Ne pas abdiquer. " Dieu ne change ce qui est d'une nation que si elle change ce qui habite son être ". A-t- on le choix ? Travail, travail et travail. Savoir. Science et technologie. Et peut être acceptation. De soi. De ses blessures. Car, avec l'Homme, rien n'est prédéterminé d'avance. L'espoir est toujours permis. Un jour peut être, de nouvelle Carthage, de nouvelle Andalousie, de nouveaux paradis...