Un mystère épais comme le brouillard plane encore sur cette volte-face de l'enseignement. L'été dernier, on nous annonçait le retour de ce bon vieux carnet (ou bulletin) avec sa panoplie d'arithmétique d'additions, de soustractions et ses notes terrifiantes, tantôt jubilatoires, tantôt traumatisantes. Toute chose étant égale par ailleurs, quand on avait la chance, dans le temps de décrocher un 11,75, l'ambition pour le prochain trimestre se limitait à ce 0,25 : il y avait en effet peu de miracles et les classifications étaient rigoureuses. Quant aux critères de l'excellence, avec le carnet il faut carrément viser la stratosphère. Mais voilà que, réforme après réforme, on réalise que les élèves n'avaient plus que des appréciations et guère de critères. Dans la foulée, " l'enseignant qui a failli être prophète " se retrouve à se dandiner dans ce vaste champ de subjectivité que chavire l'évaluation telle qu'elle est institutionnalisée. On comprend bien que chaque directeur d'établissement veuille se pavaner avec le meilleur taux possible de réussite. On sait aussi que les enseignants n'ont guère de problème à distinguer le bon grain de l'ivraie puisque le bon grain, ce sont les élèves qui font des heures sup sous leur direction et que l'ivraie est représentée par les candidats aux déchets scolaires, c'est-à-dire ceux qui ne font pas les heures sup. Or, au final, tout le monde réussit son bac avec des 14 - 15 - 16 - 17 - 18 et 19, tant et si bien que le 13 et en dessous est l'étiquette des cancres. Il se passe néanmoins quelque chose d'imprévisible au supérieur : ceux qui réussissent le mieux au supérieur sont justement les " moyens ". Les excellents, gavés de 17 et 18 ne tiennent guère la route. Avec le LMD, c'est en fin de compte le jeu de l'entonnoir... Raouf KHALSI