La pièce allemande « Täglish brot » en version arabe, c'est la nouvelle production d'El Teatro présentée samedi dernier en avant première. L'œuvre de Gesine Danckwart a été adaptée et mise en scène par Naoufel Azara sous la direction artistique de Taoufik Jebali. Dans une administration miteuse, les employés s'ennuient et tuent le temps en se lançant des vannes et des critiques. Les agents et les citoyens sont louches, comme s'ils cachaient quelques secrets ou quelques problèmes d'identité. L'archiviste, le chef de service, le rédacteur, la collègue, sont tous bizarres. Comme une maison de fous, l'administration trouve du mal à affronter la réalité, amère et inébranlable, celle de l'éternel recommencement d'une journée de travail ennuyeuse. Le temps peine à passer et la routine quotidienne se fait sentir, « le journal d'aujourd'hui est le même que celui de demain », ne cesse de répéter l'archiviste . Un immobilisme à y perdre les pédales. Qui ne perdra pas les pédales avec le lot quotidien de misère morale et de non existence pour gagner son pain? Chacun des personnages n'est pas celui qu'il veut être, figé dans l'image du fonctionnaire antipathique, condamné à vivre une routine étouffante. L'archiviste n'aime pas son boulot et ne sait pas comment il y a atterri, le journaliste est mécontent de la situation du journalisme, la collègue est frustrée, en manque de présence masculine et désespère à le faire savoir, le chef de service est supérieur parce qu'il a été pistonné…Pourvu qu'ils travaillent, quitte à s'effacer. En somme, des fonctionnaires frileux, qui ont peur à chaque nouvelle journée et se cantonnent à leur petit boulot parce qu'ils n'auront pas mieux. Mais à travers les crises d'hystérie, les monologues, les vannes échangées, on sent le désir des personnages de dépasser cette peur, cette solitude. L'absurdité de leurs tâches entache leurs vies, ce qui explique leur comportement absurde à son tour. Se battant entre eux, et contre eux-mêmes, des mots jetés par ci, par là, on n'y comprend rien. Le jeu d'acteur fait volontairement dans l'excès, renforce le côté absurde et accentue la bizarrerie de la pièce. Le spectateur ne s'y retrouve pas s'il ne maîtrise pas les techniques théâtrales. Ce n'est pas une pièce qui se lit facilement, mais respire le nouveau théâtre allemand qu'on découvre avec plaisir.