Voilà ce que l'on dit de ce travail dans le prospectus distribué dès les guichets d'El Teatro (nous y avons apporté quelques légères corrections): « Témoignages tristes et touchants des enfants de Gaza. La guerre a certes volé leur enfance, broyé leurs rêves, vieilli leurs regards. Mais la guerre a aussi endurci leur résistance, affiné leur engagement et affirmé leur sagesse-hélas précoce. Et c'est leur humanité intacte qui ressort de leurs témoignages sur une guerre qui ne les concerne pas, qu'ils n'ont jamais cherchée, que les Grands proposent comme seule issue pour se libérer d'une occupation perverse. Des enfants d'El Teatro Studio rendent ces témoignages en mode dramatique satirique, léger, cynique, les installant dans le cadre d'une réunion annuelle du G 8. Les enfants jouent aux Grands de ce monde qui prétendent défendre les causes de l'Humanité ; alors qu'en fait, ce sont leurs intérêts qu'ils s'emploient à préserver. Actes satiriques, donc, rendus par les élèves d'El Teatro Studio avec sensibilité mais avec brio aussi ! » Après avoir vu la « pièce », nous ne pouvons que souscrire à ce compte-rendu très honnête qui nous a même semblé léser quelque peu les jeunes acteurs en passant un peu trop rapidement sur leur impressionnante prestation. Les auteurs du prospectus voulaient sans doute laisser aux spectateurs et aux critiques le soin d'évaluer plus amplement le jeu de ces artistes en herbe et la qualité de l'œuvre dramatique dans son ensemble. La belle prestation des acteurs En ce qui nous concerne, nous ne nous attarderons que sur le rendement sur scène des 8 adolescents Mariem Kacem, Mariem Gaiji, Nour Mziou, Yasmine Bouhafa, Amira, Blidi, Ismail Ben Amor, Rami Gueddiche et Aziz Chétoui. En fait, les textes ne pouvaient pas nous emballer outre mesure parce que nous nous y attendions un peu à propos d'un sujet universel presque épuisé. Cela manquait d'originalité parfois et d'émotion en d'autres endroits, sinon de poésie dans l'écriture. En revanche, les témoignages n'étaient guère avares en vannes humoristiques ni en pointes ironiques. Et la prouesse des jeunes acteurs c'est d'être comme naturellement sensibles au regard décalé que pose leur texte sur la guerre et l'occupation en Palestine et plus particulièrement sur la tragédie quotidienne des Gazaouis. Nous autres spectateurs, nous adhérâmes instantanément à cet humour quasi foncier tant il était bien rendu par ces pubères intelligents qui avaient aisément réussi à nous convaincre qu'en temps de guerre, la plus ingénue des spontanéités se transmue en sagesse désabusée. Le regard railleur que les « enfants » jettent sur le monde injuste des Grands émane de consciences meurtries par un quotidien cruel d'où sont bannies les valeurs humaines habituelles au profit des lois implacables et arbitraires du plus fort. Un autre discours Mais dans « Les monologues de Gaza », on finit par en rire pour pouvoir mieux y résister. La belle leçon que les Palestiniens donnent chaque jour au monde réside dans cette force extraordinaire puisée paradoxalement dans leur confrontation avec le Mal dans toutes ses formes et dans toutes ses expressions. Les 8 virtuoses d'El Teatro Studio ont su nous amuser même avec nos propres clichés engagés et avec notre prétendue solidarité avec les peuples opprimés. On ne raille pas que les membres du G 8 dans « Les Monologues de Gaza » ; les consciences engourdies des « spectateurs » de la tragédie palestinienne sont visées sans distinction de rang, de nationalité, de religion, de race, de sexe, d'âge, ni de langue. Les 8 adolescents, admirablement dirigés par Zeineb Ferchichi et Taoufiq Ayeb, ont su faire comprendre à leur public que c'est l'Humanité de l'Homme qu'on piétine chaque fois qu'une injustice est commise sur terre au nom de mensonges déguisés en vérités ; que les « aides humanitaires internationales » fournies en « tonnes et en quintaux » aux damnés de la planète, et dont s'enorgueillissent les pays donateurs, sont une insulte à la justice et à la dignité humaines. La cause des Palestiniens, nous disent les « monologuistes de Gaza », ne survit pas grâce aux quantités d'aliments et de médicaments que le monde leur envoie pour se donner bonne conscience ; mais surtout grâce à cette faculté rarissime de savoir opposer à la logique de mort défendue par leurs bourreaux et leurs complices, une étonnante logique de vie et d'espoir capable de rendre la vie aux cadavres et de raviver les cendres éteintes. D'où cette fraîcheur et cette vitalité juvéniles que répandent sur scène les élèves d'El Teatro Studio lesquels, néanmoins, ont l'air de nous dire à demi-mots : « Et vous, veinards qui êtes si loin de la scène où se déroule le drame, jusqu'à quand continuerez-vous à applaudir le spectacle inhumain que l'on y donne ? ». Badreddine BEN HENDA --------------------------- Parcours d'une création réussie A l'origine, ce travail est inspiré de 33 textes élaborés par l'atelier d'écriture dramatique de la troupe palestinienne Ishtar, installée à Ramallah. Il s'agit de témoignages d'enfants palestiniens sur l'invasion de Gaza en 2008. Ces textes furent envoyés dans 15 pays du monde et c'est la troupe d'El Teatro qui eut le privilège, en Tunisie, d'en être la destinataire. Après la sélection de 18 textes parmi les 33 reçus, on répéta durant 3 semaines le drame qui en a été conçu pour donner une avant-première du spectacle le 16 octobre dernier, c'est-à-dire le même jour et à la même heure où furent jouées, dans 14 autres pays concernés, les pièces inspirées des 33 témoignages initiaux. Les acteurs des « Monologues de Gaza » sont des élèves de l'atelier El Teatro Studio qui, par ailleurs, poursuivent leurs études au collège et au lycée. Ce sont, nous dit-on, de brillants éléments dans leurs classes respectives. Quant à Zeineb Ferchichi qui a mis en scène le spectacle (avec Taoufiq el Ayeb), c'est une diplômée de l'I.S.A.D. qui, après avoir travaillé avec d'autres troupes et dans d'autres espaces, vit actuellement une expérience très enrichissante à El Teatro. « Avec si Taoufiq Jebali, l'ambiance est propice au débat et à la création libres. On s'épanouit bien à El Teatro ! », affirme-t-elle. On comprend mieux après ces propos, la belle prestation des jeunes interprètes des « Monologues de Gaza » ! Taoufiq Jebali a répondu très modestement à nos félicitations en disant : « Oui, on essaie de faire du bon travail au sein de notre atelier pour jeunes talents ». Nous ne finirons pas sans rappeler que les « matinées théâtrales » commencées le 4 novembre se poursuivent aujourd'hui avec les spectacles suivants « Sida m'était conté » de Naoufel Azara à 14 heures (le spectacle n'a pu être donné jeudi à cause d'un contretemps) ; « Monologues de Gaza » à 15 h. 30 et « Insihab » de Moez Gdiri à 19 h. 30