Quelle mouche a piqué le metteur en scène Mohamed Driss pour reprendre une pièce vieille de 15 ans ? En effet, « Rajel wa Mra » (Un homme et une femme) a été jouée la première fois en 1995 et obtenu le prix de la meilleure technique aux Journées théâtrales de Carthage de la même année ainsi que d'autres prix dans des festivals comme ceux du Caire, du Japon, de Syrie, de Jordanie et de la Lettonie. L'initiative de cette reprise de « Rajel wa Mra » revient à Yalil Production, qui dans le cadre de « Tunis fait sa comédie », a voulu programmer cette pièce. C'est donc samedi denier au Théâtre municipal de Tunis qu'a eu lieu la représentation de « Rajel wa Mra », pièce inspirée de l'œuvre « Trois Kyogens » du maître du Nô Zeami. Mohamed Driss n'a effectué aucune modification à la première version. Les acteurs sont les mêmes : Slah M'sadek, Béchir Ghariani, Jamel Madani, Rachid Azouz et Néji Khadharaoui. Si les acteurs ont vieilli voire même mûri en 15 ans, les personnages n'ont pas bougé d'un iota et pas question d'entreprendre une réadaptation. Mohamed Driss tient à sa première écriture de la pièce comme à la prunelle de ses yeux. De quoi s'agit-il au juste ? D'un mariage arrangé dans un milieu rural déshérité. Un homme, une femme et un entremetteur vont vivre une histoire à la fois banale, pittoresque mais non moins douloureuse. Le « Maudit », c'est ainsi qu'il s'appelle est fils de rentier. Oisif, il ne sait pas quoi faire de ses jours. Il décide de se marier. Pour cela, il fait appel à un agent matrimonial qui lui choisit une femme écorchée vive dont le bonheur dépendra de la stabilité de son foyer. L'entremetteur, qui va régler la partie entre les deux protagonistes, est un homme trouble et troublant. La femme qu'il refile à l'homme n'est autre que son ex-maîtresse. Un imbroglio s'installe entre les personnages et ce qui devait ressembler à un drame devient une sorte de comédie. Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, la pièce ne comporte aucun élément féminin. Elle est composée de comédiens hommes. Le rôle de la femme, est interprété par Béchir Ghariani. Ce choix, Mohamed Driss l'explique par le fait que la pièce telle qu'elle a été écrite par Zeami était jouée par un homme. Toujours est-il que Ghariani remplit bien son rôle et se montre à cet égard, assez convaincant. Vieillis ou mûris ? Ni l'un ni l'autre. Le couple est intact. Il n'a pris aucune ride. La pièce non plus qui provoque encore chez les spectateurs une certaine émotion . Elle déclenche en nous nos effusions intérieures et nos obscurs songes qui traversent le miroir d'une réalité contradictoire où le réel et l'imaginaire se télescopent.