C'est facile de stigmatiser et condamner un phénomène qui gêne tout le monde, qui reste comme une tâche sur une société en pleine évolution. On ne peut défendre le diable et faire l'apologie de l'inexcusable, mais cette violence est justifiée par des facteurs qui occasionnent des dégâts qui dépassent le langage. Que peuvent engendrer la frustration, la rage et le sentiment d'infériorité ? Sûrement pas l'épanouissement et la droiture. Il suffit de faire un tour, où justement la violence verbale bouillonne et s'agite : stade, centre ville (avenue Habib Bourguiba) , métro, bars... Pourquoi tous ces gens sortent de chez eux et viennent dans ce genre d'endroit ? C'est pour se défouler, dégager toute leur frustration, oublier leurs peines et s'oublier. Une forme de dégager l'éros et le thanatos (comme dirait Freud) passe par le verbe. Il faut bien dégager la violence que l'on nous inflige qu'elle soit à la télé, au bureau ou dans la rue. Une rage contre le rejet d'une femme, on insulte la première passante ou on maudit toutes les femelles de la terre ; un chômage prolongé, on hait la société et on lance des gros mots à droite et à gauche ; pas de sous pour acheter du pain, on insulte le conducteur qui passe en Mercedes. L'entourage joue un rôle important puisque si l'ordre et le code de conduite dans l'environnement familial et amical interdisent l'usage des mots agressifs et malsains, l'individu n'aura pas le réflexe de répondre par des grossièretés ou de ponctuer ses phrases par des perles noires. Comment reprocher à un homme ou une femme né(e) dans un milieu tragique de manque d'éducation et des bonnes manières son comportement irrespectueux ? S'il y a des gens suffisamment intelligents et chanceux pour faire leur ascension sociale et corriger le défaut de langage, d'autres ne sont pas aussi brillants et restent prisonniers d'une conduite sociale de bas étages. Certains encore, malgré une ascension sociale (plutôt financière), n'arrivent pas à se défaire de cette nature grossière qui n'a d'égal que le prix de leur voiture ou de leurs chaussures. Mais tout cela ne justifie pas que l'on adopte invariablement un langage grossier qu'il s'agisse de la rue, du foyer familial ou d'une beuverie entre amis. Certes, il est difficile de chasser le naturel mais on peut le modeler, le contenir le temps d'une discussion, éviter de choquer et d'offenser. Il ne s'agit pas de donner des leçons, mais d'essayer de mettre la lumière sur un fait qui n'est pas irréversible. Si on veut sauver la politesse et les bonnes manières d'un naufrage annoncé, le tout est d'agir en profondeur en agissant sur les vraies rasions de la montée d'une violence généralisée. Partout dans le monde, la violence verbale et physique s'abat comme un virus qui dépasse les frontières...Le monde va si mal que ça ?
Hager ALMI
Une éducatrice plutôt résignée Afef Chaîbi, (professeur d'anglais dans un collège) : « Aujourd'hui, les enfants se permettent tout !» « La violence verbale est généralisée dans tous les âges et tous les milieux. Je vois de gamins de 13 ans traiter leurs camarades de tous les noms. C'est une violence gratuite qui n'est générée par aucune dispute ou bagarre ; ils ponctuent leurs phrases de gros mots pour affirmer leur virilité naissante et se montrer plus fort et dur. Je pense que ces enfants ou bien manquent de contrôle parental ou bien la violence verbale est monnaie courante au sein de leur famille. Si dans la famille, le père et la mère s'échangent des mots et des injures, l'enfant trouvera cela comme une façon de communiquer et communiquera avec ce même langage ! Il y a aussi l'admiration de l'adulte et le désir de lui ressembler, donc quand le grand frère utilise ce langage, le petit suit. Ce qui a changé par rapport à un certain temps, c'est que le respect des plus grands et la retenue ont disparu. Les enfants osent désormais tout : écrire les gros mots sur les murs et les tables, dessiner des figures compromettantes un peu partout, lancer des injures à l'encontre des enseignantes... Ce sont ces mêmes enfants qui apprennent plus tard à agresser les gens par des mots vulgaires et méchants. On éduque, on forme, mais cela reste sans résultat quand la rue ou la famille a une grande part de responsabilité. N'oublions pas que les parents se plaignent aussi parfois du langage décadent de certains éducateurs et responsables. Les parents envoient leurs enfants dans un milieu sensé être le meilleur pour une bonne éducation, mais ils sont parfois déçus de trouver que même au lycée, les surveillants crient, insultent et humilient les élèves. »