Ce charmant recueil s'intitule en fait « Nouvelles de la rue Linné et des petites Japonaises, Chroniques de la Rive Gauche ». A travers sept petites histoires, l'auteur accompagne son lecteur « dans cet antique et savant quartier du Vème Arrondissement de Paris où fleurit Le Jardin des Plantes ». Nées de souvenirs tendres et de quelques indiscrétions de voyeur amusé, ces aventures écrivent à leur manière une page de l'histoire parisienne, des témoignages humbles et très touchants sur cette capitale aux mille et un visages. Sous la plume alerte, mais chargée d'émotions sincères, de François G. Bussac, les personnages tour à tour ordinaires et extravagants, familiers et mystérieux, proches et lointains, vrais et en même temps insaisissables, qui animent le quotidien de la rue Linné, s'enrichissent d'une dimension quasi surnaturelle. On dirait qu'ils surgissent d'un conte des temps immémoriaux pour se retrouver, toutes races, toutes origines, toutes confessions confondues, embarqués sur la Grande Arche construite à cette fin œcuménique par Le Capitaine Bussac.
L'écume des jours et des nuits!
Les Nouvelles de la rue Linné érigent en effet, un monde bigarré de cultures, mais harmonieux ; elles relatent des histoires de tous les continents, avec pour cadre unique et pluriel à la fois, un quartier féérique de Paris. La rue Linné grouille de vie ; elle rassemble mais parfois sépare, hélas, des blessés du cœur et de l'âme ; elle accueille ou voit passer des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes, des gens chics et des drôles d'individus échoués comme sur une sorte de havre d'amour, comme dans une espèce de nid protecteur, douillet et quelquefois même « torride ». On meurt aussi du côté de la rue Linné, on disparaît, on se volatilise, comme ça, sans crier gare, sans même dire au revoir à ses compagnons de naufrage. Cela peine quelque peu les voisins, mais le cours du temps n'en est pas pour autant interrompu ; le quotidien des survivants n'en est pas non plus bouleversé. C'est que la rue Linné n'est pas un mouroir ; comme au Jardin des Plantes qu'elle jouxte, le cycle de la vie ne s'y arrête jamais. Lorsque Mademoiselle Gersende, une de ses pensionnaires les plus attachantes, est terrassée par un arrêt cardiaque, des roses blanches s'épanouissent dans son beau vase en porcelaine ; quand un amant de Voisin-Voisine, le « garçon sensible » des lieux, s'en va, ce dernier retombe amoureux d'un autre homme ou sinon se console dans de charitables actions ; à son tour, la dame aux plantes vaque après l'amour, à ses romans à l'eau de rose, histoire de s'occuper en attendant qu'un nouvel amant vienne défricher ses jardins secrets.
Réminiscences et émotions méditerranéennes
En bref, la rue Linné de François Bussac est à l'image de cette France multiple et qui toujours se renouvelle. C'est une allégorie de cette terre des Droits de l'Homme qu'il voudrait toujours hospitalière, fédératrice, affectueuse, maternelle, généreuse ! Une France de tous les immigrés venus de toutes parts vivre, aimer et mourir sur cette Terre des Hommes ! Les nouvelles de la rue Linné chantent un nouvel hymne à la fraternité, à l'amour et à la vie comme « Tunis Cap TGM », l'autre recueil de nouvelles du même auteur. Vendredi dernier, François Bussac dédicaçait ces deux livres à la librairie Art-Libris de Salammbo au milieu d'une vingtaine de lecteurs fidèles et d'habitués du lieu, Tunisiens et Français. Réminiscences parisiennes et émotions nord-africaines furent cet après-midi là déballées par l'écrivain et ses invités, et l'on célébra à l'unisson une nouvelle rencontre fraternelle entre les deux rives de la Méditerranée. Dommage que les auteurs des photographies illustrant les deux recueils aient manqué ce rendez-vous. Mais si Marianne Catzaras fut autrement présente puisqu'on montra quelques unes des photos dont elle agrémenta « Tunis Cap TGM », Nabil Bouzouaya, lui, nous tenait compagnie à travers ses clichés dont le maître de céans, Raouf Dakhlaoui, a orné les murs de l'étage supérieur de la librairie. Nabil est un jeune architecte passionné de photographie qui, entre autres, a participé à la rénovation du Musée du Bardo. Ses photos en noir et blanc qui émaillent le recueil des « Nouvelles de la rue Linné » contribuent à renforcer l'atmosphère surannée et un rien fantastique qui enveloppe les récits de François Bussac. Collaboration réussie et promesses de nouvelles amitiés tuniso-françaises (ou franco-tunisiennes)! Badreddine BEN HENDA
(*) Nouvelles de la rue Linné, Paris : Editions Orizons (Collection Littératures), 2009, Prix public : 15 DT