Une idée a déjà été lancée l'an dernier : « Organiser la Foire durant les vacances scolaires ». On commence à penser que c'est probablement la bonne solution face à la rareté, au cours de la semaine, du public. Lundi 26. Il est 16 heures. Le très beau temps qu'il fait invite jeunes et moins jeunes à se prélasser au soleil de la grande esplanade de la Foire. Les rares individus qui quittent l'édifice n'ont pas vraiment les mains bien chargées. Puis, à l'intérieur, le calme qui règne fait penser à une immense bibliothèque où les gens observent un silence auguste. Si on doit s'amuser à compter les visiteurs, on n'atteindra probablement pas les trois cents personnes, soit des poignées d'âmes éparses. « Que voulez-vous que je vous dise ? Regardez ! On passe, on regarde et on circule. Au mieux des cas, c'est l'éternel ‘‘C'est à combien ça ?'', puis on s'en va ». Non, décidément, notre premier n'est pas content. Mais de l'avis général, la manifestation, samedi 24, a démarré en trombe. Une affluence quasiment record. Non pas, évidemment, en raison du premier jour de la foire, mais parce que c'est un samedi, donc un début de week-end. Mieux : la Foire du Livre a ce mérite indéniable de coïncider avec le service de la paie pour la plupart des fonctionnaires. Sauf que l'on ne peut pas tout faire coïncider à la fois : l'idée qui voudrait que l'on organise la Foire durant les vacance scolaires peut achopper sur le fait que celles-ci ne tombent pas nécessairement avec le service de la paie. A moins que l'on penche pour une autre idée : donner à la Foire plus de journées possibles, de sorte qu'elle démarre avec le début des vacances scolaires pour déborder jusqu'au service des paies. « Pour nous, la Foire c'est, en fait, deux week-ends seulement. Regardez : de nombreux exposants ne bougent même pas de leur place », nous fait remarquer un autre, visiblement pas très enthousiaste. Un père de famille nous confie une sagesse, la sienne : « Mais puisque je sais qu'en cette période de l'année il y a la Foire du Livre, je m'organise bien à l'avant, je prépare une prévision budgétaire pour la cause ». Oui, mais généralement le Tunisien navigue à vue. Qui achète quoi ? A regarder de près les visiteurs, une impression devient une donnée réelle : on ne vient pas pour découvrir mais avec une idée bien nette en tête. On sait ce qu'on veut acheter, on le cherche et on l'acquiert. Pour les adultes, c'est plutôt le domaine de spécialité qui prime : la médecine, le droit, les sciences humaines, l'architecture, etc., sont nécessaires pour la carrière ou, si on est étudiant, pour le cursus universitaire. Pour les clients plus ou moins aisés, les Beaux Livres sont un plaisir et un luxe livresque qui, après avoir été délicatement feuilletés et lus, vont égayer la bibliothèque familiale. Quant aux parents accompagnés de leurs enfants, ils cherchent le plus culturel, c'est-à-dire le conte, les nouvelles, le roman et même l'Histoire qui ne figure pas nécessairement aux programmes scolaires. Un autre type d'ouvrages semble plutôt bien marcher : tout ce qui a trait à la cuisine, libanaise, française, italienne ou syrienne, etc. Soit des recettes qui font bien des recettes. « C'est une question de contenu » Selon M. Hassen Jaïed, directeur de Culturel, et dont le stand est assez animé de visiteurs, le tout est une question de contenu : « On ne devrait pas, à mon avis, se plaindre de la rareté du public ou de la mévente, car le plus important est ce qu'on propose aux lecteurs. Un titre intéressant, même un peu cher, ne peut passer inaperçu. Chez moi, l'architecture, les sciences et les Beaux Livres marchent très bien. Le Tunisien est très exigeant : là où la qualité fait défaut, il lui tourne le dos » « Non, c'est une question de pouvoir d'achat » Voici un stand qui ne désemplit pas à longueur de journée : la maison EcoLivres. Selon son responsable, M. Néjib Glissa, c'est plutôt « une question de pouvoir d'achat ». En effet, la maison propose des romans à…2, 3, 4 et 5 dinars l'unité. Mieux : un petit rayon propose à 10 dinars deux grands romans. Si, par Foire, on entend des prix abordables, c'est forcément ici que la manifestation recouvre tout son sens. Car la Foire (partout dans le monde, du reste) est devenue synonyme de soldes. Généralement, les titres français sont proposés à 20 % de réduction. Oui, mais un Yasmina Khadhra qui, de 34 dinars, revient à 27, 200 dinars, n'est toujours pas donné. Par conséquent – et c'est ce qui se passe –, les inconditionnels de la littérature française ne peuvent que se rabattre sur les romans en édition folio. L'arabe ou le français ? D'après M. Mokhtar Mzali, responsable au Sud Editions, c'est toujours les ouvrages en arabe qui s'écoulent le mieux, même si la maison propose de grands titres en français, comme Kairouan (Beau Livre) et autres grandes figures historiques tunisiennes. Une autre directrice d'une maison d'édition libanaise le confirme : « C'est aussi bien que l'an dernier : les titres en arabe marchent très bien ». Massivement présente avec 66 stands, l'Egypte se vend plutôt bien. La Syrie également avec plus de 30 stands. Le français n'est pas à la traîne, mais ce sont les indétrônables qui l'animent, tel Albert Camus.