S'inscrivant dans le cadre des Semaines Allemandes en Tunisie 2010, une Semaine du cinéma allemand, se tient, à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 14 mai courant, à la salle Alhambra- La Marsa. Organisée conjointement par l'Ambassade d'Allemagne à Tunis et le Goethe Institut Tunisien en collaboration avec le cinéma Alhambra, la manifestation permettra au public cinéphile de découvrir une quinzaine de longs-métrages, des plus récents, et des plus représentatifs de la nouvelle vague des cinéastes allemands, ayant emporté l'adhésion du public ainsi que du jury de la prestigieuse Berlinale, tout en remportant le même succès à l'échelle internationale. Ces films, qui seront projetés en version originale sous-titrée en français, sont non seulement porteurs d'une certaine idée du monde, et d'une vision de l'Allemagne d'aujourd'hui, qui ne tourne jamais tout à fait le dos à son passé, dans ses bons, comme dans ses mauvais jours, mais aussi d'une esthétique rigoureuse, empruntant, pour chaque cinéaste une trajectoire différente, pour aboutir au final au même constat : l'art cinématographique implique aussi, inextricablement liée à son exigence artistique, et immanquablement, une interrogation, plus ou moins douloureuse, plus ou moins consentie, sur la manière dont il faut appréhender les problèmes qui se posent, notamment à la jeunesse allemande d'aujourd'hui. Celle-ci est en proie à toutes les contradictions qu'implique le fait de s'ouvrir au monde environnant, tout en luttant farouchement, pour conserver ses propres spécificités, et une identité qui n'a de cesse de poser problème, quand la différence des origines des uns et des autres, est pointée du doigt comme un mal pernicieux ; oubliant au passage, qu'être allemand aujourd'hui justement, implique d'être uni autour d'un même idéal de paix, en oubliant tous les clivages. La Semaine du cinéma allemand s'ouvrira par le dernier long-métrage de Fatih Akin : « Soulkitchen » (2009), Prix spécial du jury et le Young – Cinema Award à la Mostra de Venise. Fatih Akin est bien connu du public tunisien, grâce au travail mené par le Goethe Institut depuis des années ici, pour faire découvrir la cinématographie allemande à la jeune génération, après lui avoir permis de découvrir les classiques, la période d'entre les deux guerres, et les œuvres des cinéastes qui sont venus juste après, à l'égal de Fassbinder pour ne citer que lui. Le réalisateur avait même été invité à Tunis dans ce cadre, pour présenter ses films. «Soulkitchen» n'échapperait pas à la veine de prédilection du cinéaste : à savoir la perte des repères identitaires, la quête des sens, la filiation, la transmission, le manque d'amour, et la marginalisation des êtres à cause de leurs différences d'origine, tout en faisant le choix d'une seule territorialité, oubliant un temps, les passages d'une rive à l'autre, pour tourner la caméra vers le cœur névralgique du quartier ouvrier de Wilhelmsburg, à Hambourg, à travers la trame d'une histoire qui aurait pour décor, une usine désaffectée, le bistrot, avec de surcroît, la personnalité singulière de Zinos, allemand d'origine grecque… Un second film de Akin : «De l'autre côté», film poignant et dur, sans rémission, est programmé dans le cadre de cette semaine des films. Au programme également, deux œuvres de Christian Petzold : «Yella» (2007), l'Ours d'argent de l'interprétation féminine – Berlinale 2007, qui suit la trajectoire de Yella, de l'Est à l'Ouest, avec l'illusion d'en découdre, et «Jerichow» (2008), où le destin des êtres, démunis et infirmes par les aléas de la vie, culmine jusqu'au cœur du désespoir. Hans-Christian Schmid nous emmène quand à lui, avec «Requiem» (2006), sur les traces de Michaela Klingler, rattrapée par les vieux fantômes de son passé. Le film a obtenu le Prix du meilleur film allemand en argent – Berlinale 2006, ainsi que l'Ours d'or de l'interprétation féminine. Avec «Tourmente», son deuxième film (Allemagne / Danemark / Pays-Bas, 2009), Prix Amnesty International, Prix Official Selection Lux pour le meilleur long- métrage 2009), le cinéaste arpente des lieux de mémoire où des crimes contre l'humanité, ont été commis par un ancien commandant de «L'Armée Populaire » de Yougoslavie. Toujours sur les traces de la grande Histoire à rebours, Florian Henckel von Donnersmarck, avec « La vie des autres » (2006), Oscar 2007 pour le meilleur long-métrage de langue étrangère, et Bambi 2006 pour la meilleure interprétation masculine nationale, exhume les ombres du passé, à travers l'évocation des pratiques à la Stasi, à travers l'histoire de l'espion Wiesler. Et de toute machine infernale quand elle se met en branle. «Sophie Scholl- Les derniers jours» de Marc Rothmund (2004), Prix du film européen pour la meilleure interprétation féminine 2005, remue aussi le couteau dans la plaie de la grande histoire, et d'un certain printemps 1943. Sur fond de nazisme, et d'inhumanité des Hommes. Mais si les fantômes de la vieille Allemagne, semblent hanter l'imaginaire collectif de cette nouvelle génération de cinéastes, il n'en demeure pas moins que les destins individuels occupent aussi une part entière, dans l'œuvre de cinéastes, comme Doris Dorrie : «Cherry Blossoms- Hanami» (2008), Lola d'argent pour le meilleur long-métrage, Lola pour la meilleure interprétation féminine, avec une histoire d'amour et de mort… «So Glucklich War Ich Noch Nie» d'Alexander Adolph (2008), est aussi une histoire d'amour et de déperdition, à la recherche d'un coin de soleil. «Whisky/Vodka» d'Andreas Dresen (2009), prix du film allemand pour la meilleure interprétation masculine et le meilleur scénario, 2010, pose à son tour, la question de la possibilité de l'intransigeance de l'amour, et de l'implication de l'art dans le quotidien d'un comédien. Le cinéma est-il plus important que la vie ? A la manière de Truffaut. Idéologies vagues et vagues d'idéologie, constituent le terreau sur lequel tournent les œuvres respectives de trois autres films, faisant partie de la programmation. A savoir : « Et puis les touristes » de Robert Thalheim (2007), Prix du film allemand pour le meilleur long-métrage 2008 pour cette histoire qui revisite en même temps, la mémoire et Auschwitz, à travers la fiction, « La vague », film de Denis Gansel (2008), Bogey Box Office Germany Award, 2008 Munich, sur la naissance de la figure du mal et de l'exclusion, et enfin le long-métrage de Chris Kraus : « Quatre minutes » (2006), Prix Lola pour le meilleur long-métrage et la meilleure interprétation féminine pour le meilleur film Shangai 2006. Avec une question lancinante : comment sauver l'autre de lui-même, pour se sauver soi-même, et comment échapper à la poigne des douleurs enfouies ? Avec le cinéma comme manière de catharsis…