Sans vouloir établir de parallèle entre deux univers cinématographiques distincts, de par la nature affirmée et singulière de leurs réalisateurs respectifs, il faut croire qu'aujourd'hui, à beaucoup d'égards, sauf le fait que l'un soit issu de l'immigration turque, et l'autre, allemand de « souche » (terme qui aurait déplu souverainement à l'auteur du « Droit du plus fort », de fortes similitudes caractérisent leurs œuvres, lesquelles se démarquent par une fibre « anxiogène », dans l'interrogation d'une époque, et d'un pays –l'Allemagne-, qui n'en finit pas d'aligner ses contradictions. Entre ouverture et rejet de l'autre, désir d'en découdre –ou pas-, définitivement avec les « fantômes » du passé, d'exhumer, ou d'enterrer (avec les honneurs), un pan de l'Histoire lesté de plomb, l'Allemagne de Fatih Akin aujourd'hui, et de Fassbinder hier, à l'image de beaucoup de pays européens, mais pas seulement, stigmatise l'autre, celui considéré comme étranger, faute de pouvoir instaurer cet équilibre qui lui fait défaut, sur les plans, tant économique, social et, culturel, tentant de s'en tirer à moindre mal. Sauf que si les films de Fatih Akin, toutes proportions gardées, parviennent à trouver, au cœur de la violence qu'ils dénoncent, une forme d'apaisement, un peu de guingois, après être allés au fond des choses, jusqu'à l'épuisement, le désespoir d'un Fassbinder qui filme frontalement et sans concession, les travers d'une société dont il s'est toujours senti en marge, se répercute comme en écho, de film en film, comme si la variante était dans la trame en palimpseste d'une histoire, mais qu'au final, qu'il traite du racisme, ou de l'homosexualité, le cinéaste ne fait qu'explorer, inlassablement, avec l'espoir fut-il ténu, d'entrevoir une brèche par laquelle la lumière puisse filtrer, pour qu'il puisse enfin déboucher à son tour, sur une forme d'apaisement, qu'il ne trouvera jamais… « Tous les autres s'appellent Ali », long-métrage sorti en 1974, passé le mardi soir dans le cadre du ciné-club hebdomadaire de France 2, ce pourrait être un film de notre époque. Sombre, sans rémission. Juste une « absolution » sous forme d'une valse, qui ouvre et ferme, en quelque sorte le film, entre un immigré maghrébin –Ali- et une allemande d'une vingtaine d'années son aînée : Emmi. C'est donc l'histoire de Emmi, une aide-ménagère de soixante -ans, qui fait la connaissance d'un homme, à laquelle tout l'oppose : l'âge, les origines, la culture, la religion. Pourtant, cela n'empêche pas une histoire d'amour de naître entre -eux, qui sera scellée par un mariage. Mais la société ne pardonne pas, encore moins qu'elle tolère, ce genre de pied –de -nez fait aux conventions. Ali, puis bientôt Emmi, sont mis au ban de ce microcosme de société qui constitue leur environnement immédiat. Cela ne peut déboucher que sur un ulcère. Celui que trimballe Ali, et qui finira par l'emmener à l'hôpital, et qui est un peu la métaphore d'un ulcère sentimental. A la fin du film, Fassbinder tentera, d'une manière ambiguë, de démontrer que tout n'est pas perdu. Peut-être…