Les Frères Dhaou sont, comme chacun sait, deux inventeurs de renommée historique. Ils résolurent ces derniers jours de faire la… lumière sur l'Antiquité cinématographique tunisienne. L'envie les en démangea d'autant plus puissamment qu'ils venaient d'apprendre que certains de nos cinémas portent des noms qui raniment les temps évanouis de la Grèce et de la Rome préhistoriques, et que bien des salles obscures, autrefois très fréquentées, avaient disparu de nos cartes urbaines. Les « fouilles » qu'ils engagèrent aussitôt leur révélèrent l'étonnant pouvoir de transmutation que possèdent nos cinémas capables en un laps de temps de se transformer en gargotes, en bars-restaurants, en centres commerciaux, en hôtels, en magasins de prêt-à-porter et même en friperies de… luxe ! D'autres salles, longtemps abandonnées, se métamorphosèrent en manoirs hantés du genre qui, jadis dans les films d'épouvante, faisaient dresser nos cheveux et flageoler nos jambes. Mais il ne faut pas croire que les spectres et les fantômes ne rôdent pas à l'intérieur des salles encore ouvertes au public ! Celui-ci y est d'ailleurs si rare que les quelques silhouettes humaines éparses qui prennent place devant les écrans rescapés de l'hécatombe ont tout l'air d'épouvantails animés destinés à conjurer les mauvais esprits qui empoisonnent la vie des exploitants cinématographiques. Pour en revenir aux Frères Dhaou, qui entretemps eurent vent de la mode des films en trois dimensions, ils ont réalisé que chez nous, l'expression « cinéma en 3 D » convenait mieux aux trois phases par lesquelles passent les salles tunisiennes depuis un certain temps, et qui sont dans l'ordre de leur déroulement : Désaffection, Déficit, Démolition ! Ce fut pour nos deux inventeurs une découverte de plus après celle qui, depuis 1895, fait leur gloire. Signalons enfin que les Frères Dhaou ont promis de revenir à Tunis à l'occasion de la démolition de l'ex-Mondial, fixée à l'automne prochain, et de regagner notre cher pays chaque fois qu'une nouvelle salle y est condamnée. Peut-on souhaiter mieux qu'un tel honneur ?!