« Tout jeune, les héros issus du bon peuple qui défiaient l'arrogance des puissants me fascinaient. Aussi ai-je été séduit par le conte d'Asfour et Jarâda, deux déshérités que rien ne prédisposait à la notoriété, et qui ont réussi, grâce à leur bonne étoile et surtout à un courage frisant la témérité, à tourner en dérision tout Tunis, amassant au passage une coquette somme d'argent, sous le nez et la barbe du sultan et de son vizir, pour le grand bonheur du jeune auditeur que j'étais ». C'est en ces termes que l'auteur de « Asfour le devin », annonce les raisons qui l'ont poussé à écrire son livre. Nostalgie du passé ? Attachement aux contes populaires et signe de reconnaissance à l'égard de nos anciens conteurs (Fdawis) qui ont émerveillé pendant des siècles les enfants de ce pays ? C'est, sans doute, tout cela à la fois. Il faudrait peut-être ajouter le souci de faire parvenir les contes tunisiens au monde francophone, d'où le choix de la langue de Molière. Boubaker Ayadi dédie son livre à Abdellaziz Laroui, conteur tunisien émérite, connu surtout par ses nombreux contes dominicaux traditionnels diffusés sur les ondes de la radio tunisienne. « Asfour le devin » n'est en réalité que l'un de ces contes d'Abdellaziz Laroui dont s'est inspiré l'auteur pour le raconter à sa manière, attribuant au personnage principal « un passé, des racines, un lieu où il aurait grandi, ainsi qu'une motivation qui l'aurait incité à venir à Tunis ». C'est une suite d'aventures, de situations bouleversantes, de rebondissements et d'intrigues que le lecteur aura grand plaisir à découvrir. Asfour, le personnage principal, est un jeune tunisien à l'esprit machiavélique, il quitte la ferme où il travaille pour fuir l'injustice de Bounâb, ignoble et cupide. Il prend donc son âne et son bouc et se dirige vers Tunis. Chemin faisant, il connaît nombre d'obstacles à commencer par ces trois brigands qui l'attaquent et spolient ses biens, etc. Arrivé à Tunis, il se fait encore une fois voler ses affaires dans un hammam. Errant, sans le sou, il est recueilli par « Jerâda » qui l'épouse. Elle lui conseille alors de tenter une ruse : devenir devin, bien qu'il n'en possède pas le don. Usant de malice, Asfour réussit et parvient à accroître sa fortune. Le destin a voulu qu'il rencontre ceux qui l'ont auparavant piégé ou maltraité et lui donne ainsi l'opportunité de leur administrer une bonne leçon. Il retrouve alors sa terre et sa famille, et rachète sa ferme, sans néanmoins dévoiler son identité. La majorité des Tunisiens reconnaîtront ce conte de leur prime enfance raconté par leurs grands-mères et plus tard, par le célèbre Abdelaziz Laroui. Ce livre s'adresse également à ceux qui sont désireux de s'ouvrir sur notre culture où contes et légendes occupent une place de premier choix. Hechmi KHALLADI (*) « Asfour le Devin » de Boubaker Ayadi, Editions Seuil jeunesse, mars 2010, 170 p.