«Les contes et légendes de Tunisie», les deux livres de Boubaker Ayadi et du Dr Ali Laâribi, ainsi que le Festival du conte ont permis à cette activité culturelle ancestrale de renaître de ses cendres. En effet, cette tradition orale, qui existait avant la littérature écrite et avant même Homo Sapiens, est humaine par excellence. Le conte échappe généralement à toute notion de temps et de lieu, aux dates et aux pays d'origine des personnages. Ce qui importe, ce sont les contes de faits et le caractère humain des personnages. C'est ce qui rend l'histoire profondément universelle. Il est vrai que le conte est le fruit d'une imagination créatrice, puisque son univers est purement fantastique, mais c'est aussi un conte d'effet éloquent, parce que la fable est au cœur même de la réalité. D'ailleurs, on voit que les notions du bien et du mal forment l'ossature même du conte et que c'est toujours le bien qui est vainqueur. Le conte s'est encore enrichi à travers les époques en passant du conte populaire aux contes africains et aussi aux contes philosophiques, dont l'instigateur est Voltaire avec Candide. Ce genre a été une arme de critique et l'outil majeur de la pensée philosophique voltairienne. Pour en revenir au Festival du conte, rappelons qu'on a voulu répartir les activités en deux espaces, historiquement fort significatifs : le club Tahar-Haddad et Souk Chaouachia, on plonge de plain-pied dans le monde des contes où on trouve notre conteur, vêtu de chéchia et de Jeba, et dans le café où l'odeur de l'eau de rose et de la chicha enfument les ruelles étroites racontant elles aussi des histoires tunisiennes de souche. Ces contes seront accompagnés d'un spectacle dont l'intitulé est: «Le voyage de Abou Saadia», d'une exposition de masques : «Le masque et la vie», ces derniers appartiennent à des personnages imaginaires de contes anciens ou encore de contes pour enfants inspirés du conte populaire. Et enfin, d'un atelier de formation : «L'histoire du corps et le corps de l'histoire», cet atelier est fort intéressant dans la mesure où il initie les amateurs (les comédiens, les éducateurs, les étudiants) à se forger à l'art du savoir-conter en s'appuyant sur l'expression du corps qui constitue le savoir-faire du spectacle conté. Ainsi, « La flûte enchantée» du conteur est désormais sa voix douce et fluide qui conduit l'esprit de l'enfant dans un monde merveilleux, qui lui apprend le sens de l'écoute sans s'ennuyer, d'ailleurs Jean de La Fontaine disait qu' «une morale nue apporte de l'ennui; le conte fait passer le précepte avec lui.» Le conte est donc cette autre vision de la réalité, une fiction qui fixe les événements dans une tournure réelle. La richesse de l'imaginaire tunisien et la sagesse sont l'équivalent d'une philosophie qui nous apprend à mieux vivre et à voir autrement le monde dans lequel nous vivons. Avec Emile ou de l'éducation de Jean- Jacques Rousseau, qui traite de «l'art de former les hommes», qui a été imposé dans plusieurs programmes pédagogiques, on ne peut nier aussi la dimension didactique du conte, sous tous ses aspects : éducation, divertissement, détente et morale. La sagesse de nos ancêtres se frotte à celle des philosophes, donc essayons de conserver ce cher et précieux trésor qui nous appartient et dont notre fierté doit croitre d'une génération à une autre.