Décidément M. Jbali sait comment faire parler de lui. Il arrive à créer des remous dans un secteur qui est frappé par la sécheresse et que rien, ne semble sortir de sa léthargie. En effet, la profession théâtrale n'est plus secouée par les polémiques et les débats d'antan. Même pas la moindre querelle sérieuse entre gentilhomme du 4ème Art ! Et voilà que Taoufik Jbali crée l'événement avec quelques petites phrases piquantes mais non mortelles. La plus provocante est sûrement sa déclaration concernant l'Institut Supérieur d'art Dramatique (ISAD) qu'il a jugé incapable de former des comédiens. Déclaration à laquelle une flopée d'artistes plus ou moins connus du large public ont répondu pour lui rappeler qu'ils sont bien là, qu'ils assurent la relève et que certains d'entre eux sont passés par El Teatro où il exerce ses dons de créateur. Que reprochent-ils à Jebali ? Tout simplement qu'il ait créé l'été dernier un spectacle théâtral où il n'a engagé aucun comédien professionnel. Que des amateurs ! Et alors, réplique le maître d'El Teatro, qui pourra juger qu'un tel est plus professionnel qu'un autre, que l'Institut Supérieur d'Art Dramatique est plus habilité à former des comédiens que El Teatro où il donne des cours ? De ce point de vue, il pourrait sûrement avoir raison. D'ailleurs la plupart des comédiens français des trente dernières années sont formés dans des cours privés. Qu'il y ait un Institut public et des cours privés, c'est très bien pour l'avenir de la profession. Mais la véritable prise de bec entre Monsieur Jbali et les quelques dizaines de jeunes comédiens ne doit pas être confinée dans cet espace somme toute fort restreint. Il faut comme disait mon camarade Vitamine élargir le débat et question largesse on doit poser la question suivante à Monsieur Jbali : pour faire votre manifeste de la joie, avez-vous, oui ou non, reçu une subvention ? c'est-à-dire des deniers publics ! Là est toute la question. Ce n'est pas qu'il faudrait refuser les subventions à M. Jbali ou à n'importe quel créateur, au contraire mais dès qu'on perçoit l'argent du peuple, on doit répondre à certaines règles. Et là où le bat blesse, c'est que ces règles n'existent pas… ou presque. La responsabilité n'incombe donc pas à M. Jbali mais aux décideurs. Cela fait presque quarante ans que les Hommes de théâtre tunisien élaborent des propositions pour faire évoluer le secteur et cela fait plus de quarante ans que ces propositions sont jetées aux oubliettes. Basées sur les schémas français, italiens ou, encore, égyptiens, ces études longuement et sérieusement préparées n'ont pu jouir que de quelques semaines, voire quelques jours, de l'intérêt des décideurs avant de retrouver le silence des tiroirs. Que des jeunes comédiens expriment leur opposition à un des artistes les plus doués du pays, ne peut que nous faire du bien mais cela ne peut aboutir à un résultat satisfaisant que si le ministère de tutelle reprenait à son compte les propositions censées sortir la profession de la gabegie ou elle se trouve depuis des décennies. Pour ne pas mettre à la lumière tous les petits détails et les hics qui freinent l'évolution de la profession, nous nous devons de rappeler que la solution n'est pas difficile à trouver car tous ces cas de figure ont été étudiées et des propositions ont été avancées pour les résoudre. Il suffirait que les administrateurs fouillent dans leurs vieux tiroirs. Ils y trouveront sûrement quelque chose.