Beaucoup de citoyens disent avoir constaté, cet été, une certaine régression dans la célébration des mariages, dans les diverses zones de la Capitale Tunis qui reste le premier baromètre de l'évolution des mœurs dans le pays. La saison estivale demeure, toujours, en Tunisie, la saison préférée des vacances, des festivals, et des mariages. Mais, le fait certain est que l'institution du mariage ne bénéficie plus de son aura quasi sacrée d'antan. La tradition reste, certes, très tenace, dans ce domaine, dans tous les milieux sociaux, populaires et instruits, riches et pauvres. Toutefois, à en juger par les nombreuses réactions recueillies auprès d'un large éventail d'intéressés, la perception du mariage, en Tunisie, n'est plus monolithique et se diversifie, comportant, même, des remises en question plutôt lucides, en ce qui concerne la finalité profonde de cet acte qui est la constitution d'une nouvelle famille humaine. Pour les parents de la génération de l'indépendance et celle d'après, dans la majorité des cas, il s'agit de perpétuer la vie. Chaque génération se doit de transmettre l'élan de vie qu'elle a reçu de la génération précédente, dans la joie et l'allégresse. D'où les réjouissances et les manifestations de liesse de toutes sortes qui entourent la célébration des noces. Aussi, celui qui entend jaillir des yous yous et du chant dans son quartier ou voit un cortège de voitures joliment ornées parcourir les rues, en klaxonnant bruyamment, sait qu'un lien sacré vient d'être scellé entre deux êtres pour la construction d'une nouvelle famille humaine. Les gens congratulent le nouveau couple, en lui espérant, au passage, une nombreuse progéniture, oubliant que c'est justement là que le bât blesse. Un nouveau gage d'amour ! Alors que dans les pays développés d'Europe et dans l'Occident en général, les gens ont davantage tendance à s'unir et à se marier pour leur propre plaisir, retardant au maximum la conception d'enfants, cette idée n'est pas encore très enracinée chez les couples tunisiens. Ainsi, Hayfa, une jeune femme de 25 ans, s'est mariée, l'été dernier (2009), avec un jeune homme de niveau universitaire, et elle attend une fille pour le mois de septembre prochain. Le malheur est que le couple connaît des difficultés, alors que leur mariage est venu couronner une histoire d'amour qui a duré cinq ans. La jeune femme dit que son mari la trompe, déjà. « Je suis très choquée par son comportement irresponsable et je n'arrive pas à croire cela de sa part », s'est-elle plainte. « Pourtant, il dit qu'il m'aime, toujours, et j'espère que l'arrivée de notre bébé, dans deux mois, l'amènera à changer de conduite », a-t-elle ajouté. Pour plusieurs couples, faire des enfants est un gage et une nouvelle preuve d'amour à même de raviver et d'amplifier la flamme primitive. L'enfant est perçu comme étant une source d'amour et de bonheur supplémentaires. Par contre, Mahdi et Layla, un couple de jeunes mariés depuis deux ans, ne désirent pas avoir d'enfants pour le moment. Ils disent vouloir profiter encore de la vie, dans la tranquillité, à l'écart de la pression pénible des enfants. Marwa, une jeune étudiante de 24 ans, encore célibataire, affirme qu'elle ne pense pas, encore, au mariage. Elle veut tout d'abord terminer ses études avec succès et travailler, ensuite, pour garantir son avenir. Selon elle, le mariage est « un projet difficile » auquel il faut réfléchir sérieusement. L'avis de Marwa est partagé par de nombreux autres jeunes étudiants qui veulent, tout d'abord, terminer leurs études et travailler, ensuite, pour gagner leur vie, et en profiter un bon moment avant de s'engager dans la voie de l'union conjugale. C'est dire qu'il n'est pas, tout à fait juste, d'insister, principalement, sur les difficultés matérielles rencontrées par les jeunes tunisiens des deux sexes, pour expliquer la tendance à retarder l'âge du mariage, en Tunisie. Dans ce contexte, Saïd, menuisier de son état, âgé de 52 ans, confirme que le nombre des mariages, pour cet été 2010, est faible par rapport à l'année précédente.