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Des noces aux odeurs politiques Association «Al Afef» pour les mariages collectifs et la réconciliation entre les couples: premier mariage collectif organisé
Le gouvernement vole la vedette aux «just married» Il s'agit de la concrétisation du premier projet établi par l'Association «Al Afef» pour les mariages collectifs et la réconciliation entre les couples; une association à caractère islamique, créée officiellement en décembre 2011. Le lieu: hippodrome de Kassar Saïd. L'horaire: 21 heures, en ce samedi 8 septembre 2012. L'évènement consiste en la célébration d'un mariage collectif, permettant à une vingtaine de couples à faibles moyens financiers, d'entrer enfin dans la cage dorée. Une organisation phénoménale dénote du souci de parfaire cette première et de la volonté à réinventer une tradition associative sous une nouvelle forme. M. Belhassen Lembazaâ, président de l'association organisatrice explique l'objectif fondamental de l'association: «L'idée étant d'organiser un mariage collectif chaque année, dans le but d'aider les couples dont les moyens sont limités, à s'engager dans un projet conjugal et à fonder une famille que l'on veut unie et harmonieuse. Outre l'organisation de la cérémonie du mariage, l'Association ‘‘Al Afef'' prend en charge certains détails jugés coûteux pour les futurs mariés, notamment le costume pour le mari, la keswa pour la mariée, ainsi que la coiffure et le maquillage. Nous assurons également certains meubles et objets d'ameublement comme les chambres à coucher, les appareils éléctroménagers et autres, et ce, bien évidemment selon les moyens disponibles». La finalité de ce travail ne se limite pas au seul appui financier aux couples. M. Lembazaâ évoque en outre le problème du célibat forcé, favorisé tant par l'ampleur que prennent les études dans la vie d'un jeune, et donc, par une insertion professionnelle retardée, que par le coût élevé du mariage qui nécessite pour le tunisien moyen des économies d'une dizaine d'années. «Selon les indicateurs de l'INS, note notre interlocuteur, le célibat touche 46% des hommes et 37% des femmes, ce qui est alarmant. C'est pourquoi nous nous engageons à lutter contre ce phénomène en encourageant au mariage et en instaurant une nouvelle culture de la vie conjugale». Parmi les rares artistes conviés à cette cérémonie, figure le chanteur tunisien Ahmed El Mejri. Ce chanteur a déjà assisté à de pareilles initiatives en France. Il trouve que la société civile a aussi ceci de bon qu'elle s'intéresse aux personnes à faibles moyens financiers et tente de leur faciliter la vie. «Ce qui est encore plus important c'est que ces actions émanent du coeur et n'entrent pas dans des considérations lucratives ou autres...», souligne notre chanteur. A dominante islamique En dépit de l'excellente organisation, un flagrant retard d'une heure trente ne passe pas inaperçu. En effet, entre 21h00 et 22h30, les familles des mariés ainsi que les journalistes et autres invités, n'avaient pour source de divertissement qu'une musique aux airs asiatiques qui résonnait dans l'espace via les énormes baffles. Puis, une petite fille voilée prend place sur le podium pour réciter des versets du Coran. Une troupe spécialisée dans le chant soufi prend le relais pour chanter des louanges du prophète Mohamed. Et voilà que les couples de mariés arrivent, enfin, à l'hippodrome de Kassar Saïd, se tenant les uns devant les autres dans le petit train touristique. Se tenant en file indienne, chaque couple prend place face à sa famille respective. La plupart des mariées sont vêtues du même modèle de keswa; rares sont celles qui font l'exception. Ali et Ichrak Sebeaî sont fiancés depuis trois ans. Pour ces jeunes gens assis comme un couple royal, se marier en 2012 ne figurait point sur leur agenda. «Je travaille comme apprenti chez un menuisier. Quant à ma femme, elle est au chômage. Nos moyens fort limités ne nous permettaient aucunement d'envisager un mariage dans un délai proche. Jusqu'au jour où ma mère m'a parlé de l'Association ‘‘Al Afef'' qui nous a permis, moi et ma femme, de nous marier», indique M. Ali Sebeaî. C'est aussi le cas de Mohamed Mannaï et de Lobna Ayadi, un jeune couple dont l'histoire d'amour remonte déjà à quatre ans. Mohamed travaille dans un centre d'appel. Sa femme, elle, est couturière de formation mais ne travaille pas depuis quelque temps. «Si j'avais les moyens pour me marier, note Mohamed, je n'aurais pas attendu quatre ans. Je ne suis pas titularisé et ma femme est, pour l'instant, sans boulot. L'association nous a donné un coup de main matériel, qui consiste en l'octroi d'une chambre à coucher, d'un poste de télévision, des costumes de la cérémonie ainsi que de la coiffure de ma femme, sans compter l'organisation de la cérémonie. Toutefois, cela ne m'a point épargné de m'endetter auprès de mes proches pour obtenir une enveloppe de six mille dinars; un montant nécessaire et inéluctable. J'espère que je serais bientôt titularisé afin de pouvoir bénéficier d'un crédit à même de m'aider à rembourser mes dettes», indique le marié. Aussitôt les mariés installés sur les canapés qui leur sont réservés, le président de l'Association «El Afef» a pris la parole pour s'adresser aux invités assis sur le podium d'honneur. Suite à l'allocution de bienvenue du président de l'association, l'assistance a eu droit à une intervention de M. Khadmi, ministre des Affaires religieuses. M. Khadmi a évoqué l'importance du mariage dans l'Islam. Il a expliqué les avantages sociaux d'une vie conjugale harmonieuse, fondée sur le respect et l'affection partagée. Il faut dire, en effet, que la soirée a été orchestrée et ponctuée par les arrivées des personnalités politiques, invitées à l'occasion. Les organisateurs s'activaient afin que la sécurité soit optimale et que les membres du gouvernement, ceux de l'ANC, mais aussi les ambassadeurs, les cheikhs, les juristes et hommes de droit, ainsi que certains cadres et hommes d'affaires soient bien à leur aise. Tout tournait, en fait, autour de l'arrivée ou pas de telle ou telle personnalité politique. Les médias étaient carrément absorbés par l'obsession de photographier et de prendre l'avis des invités d'honneur, dont Rafik Abdelssalem, ministre des Affaires étrangères, de son épouse (fille de Rached Ghannouchi), Tarak Dhiab, ministre de la Jeunesse et des Sports, Noureddine Khadmi, ministre des Affaires religieuses, et tant d'autres personnalités. Après un moment d'incertitude, la nouvelle est garantie: Hamadi Jebali, chef du gouvernement n'assistera pas à la cérémonie. Et voilà que, parallèlement aux couples de mariés qui tentaient de savourer, ainsi que leurs familles respectives, les beaux et marquants moments de la soirée des noces, le côté associatif sympathisait avec le politique, à tel point que l'on ne sait plus si c'est l'associatif qui cherche la bénédiction du gouvernement ou bien si c'est le politique qui se plaît dans le profil de l'associatif... «Nous ne faisons partie d'aucun parti politique», précise quand même le président de l'association à La Presse... Certes, mais une chose est sûre: le politique a bien volé la vedette aux vingt mariés.