Ramadan justifie-t-il tant d'apathie intellectuelle, tant de paresse mentale et cette frénésie des nourritures terrestres au détriment des nourritures spirituelles ? C'est un fait : le rendement boîte ; la productivité bat de l'aile et les vertus du travail sont mises entre parenthèses. En réalité, on regarde très peu les informations, on survole les journaux et c'est la grande revanche des télés tunisiennes, même si, quelque part, elles sont désertées par bon nombre de nos concitoyens au profit des « égyptiennes », des « syriennes », des « golfiques », voire des « turques », zappant à travers les feuilletons, à la recherche de fresques historiques ou, tout bonnement, à la recherche de la médiocrité. Il y a dès lors deux types de téléspectateurs tunisiens au mois de Ramadan. Ceux qui s'agrippent à nos sitcoms, à nos gags, à nos feuilletons ramadanesques ; et ceux qui s'expatrient à travers le monde arabe, tout en restant dans leur fauteuil. Dans les deux cas, on est coupé du monde. Demandez autour de vous si on est au courant ou, du moins, si l'on calcule l'impact de l'envolée mondiale – imminente – des cours du blé, avec le risque que viande, céréales et pain soient les premiers touchés ? Car les tensions sont plus que jamais vives sur le marché mondial du blé. En connaît-on la spirale dépressive ? Eh bien en six semaines le prix du blé aura bondi de 70%. Rien de moins ! C'est que les aléas climatiques en Russie et les inondations en Pakistan alimentent sérieusement les appréhensions. Mais tandis que les politiques économiques n'excluent pas une nouvelle envolée de l'or blanc – et cette fois elle entraînera avec elle l'or noir - , nous autres consommateurs, rassérénés par les stocks régulateurs, par les certitudes du marché et par les mots « abondance » et « autosuffisance », y allons de notre frénésie consommatrice et, de surcroît, décuplée par des spots publicitaires dont les dangereuses redondances vont à contre sens de tous les appels à la rationalisation des dépenses ménagères. A la fin des fins, la réplique est prête : l'Etat veille au grain. C'est juste au propre comme au figuré. Mais c'est trop se décharger sur l'Etat.