Si on veut dresser un portrait-robot de ce qu'on a pris l'habitude d'appeler « L'enfant du Club », force nous sera faite de préciser l'époque à laquelle on veut placer ce prototype. Car si ce spécimen a le don de résister au temps, ses caractéristiques ne cessent d'évoluer pour s'y adapter. Encore aujourd'hui on continue d'utiliser ce terme pour décrire, selon la classe sociale dont on est issu, l'inconditionnalité irréfléchie ou l'amour désintéressé qui se traduit sans discontinuer dans le service de l'Objet qu'on aime. Ils sont, certes, encore nombreux les vieux dirigeants, voire des présidents enchainés depuis leur prime jeunesse à des couleurs qui, souvent ils n'ont pas eu à choisir, étant eux-mêmes nés dans leur famille spirituelle dans laquelle ils se sont toujours reconnus. Le hasard de l'actualité est venu à ce propos, nous fournir ces derniers temps, trois noms emblématiques de ce « homo-fidelus » si on ose dire, qui ont bravé le temps et les bouleversements des circonstances d'une façon telle que leur récente disparition n'a pas manqué de rendre à la notion d'enfant du club, toute sa signification étymologique. Après Larbi Soudani qui, lui, pour des raisons professionnelles a quelque peu dérogé. Après Hédi Saheb Ettabaa, plus enraciné dans la tradition sans néanmoins s'impliquer totalement, voici Moncef Kchouk. Peut-être le plus symbolique de cette notion, qui vient de disparaître, emportant avec lui un lambeau de cette tradition de fidélité sans partage. Son nom dirait-il quelque chose en dehors du cercle de plus en plus restreint des témoins de ce que fut le football jadis ? Car pour avoir une chance d'y parvenir, il faudrait reconstituer le décor : rebâtir le stade Young Perez où le joueur Moncef Kchouk a peut-être donné le meilleur de ses qualités. C'est là aussi qu'il a mis fin un dimanche de 1949 à une carrière qui pourtant promettait encore. Il faudrait aussi faire revivre l'ambiance d'un Parc B il y a vingt ans pour voir réapparaître le dirigeant Moncef Kchouk, prendre part à l'acquisition d'un premier doublé. Il faudrait surtout réimplanter le fameux café de la Djamiya avec ses artistes, ses échéphiles et ses intellectuels férus de tric-trac pour mieux situer le supporter Moncef Kchouk dans ses homériques débats. Aux jeunes d'aujourd'hui il serait difficile de leur décrire Moncef Kchouk et surtout pourquoi il représentait à merveille ce qu'on appelle l'enfant du club. Quant aux vieux dont la mémoire a gardé le souvenir de cette silhouette d'athlète énergique, cet air faussement renfrogné au franc parler redoutable et à la fidélité dans l'amitié incontournable, ils ont sûrement versé une larme lundi dernier en gage d'hommage à l'enfant du club par excellence que Moncef Kchouk a réellement illustré.