Hédi Saheb Ettabaâ est décédé mardi. Ainsi une page du sport tunisien est tournée. Il a été l'un des animateurs du paysage sportif des années 40 : champion de Tunisie au 200 m (athlétisme) et champion de Tunisie avec le CA (football) en 1947 et 48. Il a eu surtout la particularité d'être en même temps footballeur et sous-préfet, l'équivalent de délégué aujourd'hui. Ci-aprés quelques extraits de son portrait brossé par Mohamed Kilani et tirés de l'ouvrage : « Les gloires du Club Africain ». Il représente une page de l'histoire du Club Africain à lui seul. Figure emblématique d'une période marquée par le militantisme sportif, il a su imposer le respect et faire l'admiration pour son engagement, sa fidélité et sa polyvalence. Il est l'un des rares à avoir su cumuler une carrière à la longévité impressionnante et un parcours académique probant, aidé dans ces deux domaines par la précocité de son talent. Sa force de caractère, son courage physique, sa rectitude morale en ont fait un exemple pour tous. Né le 12 juin 1917 à Tunis, dans le quartier de la Médina jouxtant la place aux Chevaux (devenue depuis place du Leader), le jeune Hédi a été élevé par sa famille dans le goût de l'effort. Ses études le révèlent brillant élève, et sa réussite précoce lui permet d'être admis comme pensionnaire au lycée Carnot, avec un complément estival au collège des Jésuites à l'archevêché de Carthage. A l'instar de tous les enfants, Hédi Saheb Ettabaâ est attiré par le football, fraîchement introduit dans le pays par les Français. Il y consacre l'essentiel de son temps de loisir, et se découvre une vocation qui le conduit, dès l'âge de neuf ans, au Club Africain. (…) La maladie de son père précipite alors son retour en Tunisie. Il est nommé maître d'éducation physique à Sousse en 1936, et découvre en même temps que le plaisir de disputer le championnat de la Ligue avec le Club Africain, en deuxième division, la contrainte d'effectuer la navette Sousse-Tunis pour cela. Ses camarades sont impressionnés par sa fidélité au Club, mais également par son engagement physique qui suscite beaucoup d'émulation. Avec Akacha, Dhib, Ben Ammar et Abdessalem, l'équipe a fière allure et sillonne les terrains de la régence en cherchant à rivaliser avec une légion étrangère jusqu'alors plus consistante et plus performante dans les compétitions.(...) Nommé sous-préfet au Kef il occupe encore une place fondamentale. Il continue donc à jouer, malgré les injonctions quelque peu timides de son administration. Monsieur le sous-préfet sera donc sur le terrain un leader particulier, que sa fonction dans le civil place parfois même hiérarchiquement au-dessus de certains de ses dirigeants, mais se gardera de tout autoritarisme autre que tactique ou moral, même si épisodiquement ses coéquipiers s'en remettront à lui pour trancher et rendre justice. Arrière véloce et rapide, Hédi Saheb Ettabaâ est souvent associé à Abdessalem Lagraâ en défense, alors que le reste de l'équipe joue devant. Le groupe est homogène et de plus en plus performant. Après la domination bizertine en 1945-46 et la seconde victoire du CAB au critérium tandis que le PFCB l'emporte en Coupe de Tunisie, lui et le Club Africain s'arment de détermination considérant que leur tour est venu. Le parcours de l'équipe est éloquent, malgré la consistance de l'opposition. Le sous-préfet fait d'une consécration recherchée une question d'honneur. Non pour mieux asseoir son autorité administrative au cours de la semaine, mais plutôt pour couronner vingt ans de port du maillot rouge et blanc, dont plus de dix ans de combat incessant dans la catégorie majeure pour que les couleurs clubistes triomphent. Son bonheur est total lorsque le premier championnat organisé après la guerre consacre le CA, le 11 mai 1947. Hédi Saheb Ettabaâ aura vécu un épisode singulier : en 1978, le décès d'un homonyme confond le journaliste chargé à l'Action de la page hippisme, au point de publier un vibrant hommage au P-D-G de la société des courses. Une fois sa consternation surmontée, Hédi Saheb Ettabaâ aura pour cette péripétie un mot, une perle propre à lui : « Je suis un privilégié puisque je sais maintenant ce qui sera dit et écrit après ma mort. »