Fatigués, faibles, fragiles, inconstants, les hommes ne sont plus ce qu'ils étaient. De cette image brouillée, à l'envers des clichés, la nouvelle création du Théâtre El Ibtissama , «Mrajel» présentée au complexe culturel Néapolis, se veut un diagnostic de notre société où les deux sexes prônent l'égalité, la reconnaissance et non la supériorité ou le renversement des rôles. Les hommes ne représentent plus l'archétype du héros fort, viril et séducteur qu'incarnaient les Gabin, Ventura, Delon ou Belmondo. Poussés par les femmes à se (re)définir, ils ont remis en question leur virilité, acceptent leur féminité et inventent une autre masculinité. Victimes du féminisme, de la crise et du chômage, tous leurs attributs se sont effondrés. Où sont passés les symboles de la virilité : la vaillance, l'audace, la témérité ? Place à des hommes vulnérables, mi-enfant mi-femme, en mal d'identité et de désir, que le metteur en scène Faouzi Ben Brahim montre , empêtrés dans des problèmes d'égo et d'image. Les hommes ont le droit d'être vulnérables, de s'émouvoir, d'avoir peur, de se «féminiser». Les femmes, celui d'être fortes. Mais comment ? Existe-t-il une puissance spécifiquement féminine ? Dans «Mrajel», le metteur en scène porte un regard qui se veut à la fois cruel et tendre. Six comédiens sur scène racontent ce conflit homme-femme où chacun essaie d'imposer sa loi. Cette comédie burlesque met en scène des femmes qui se travestissent en homme pour changer le destin de leur cité. , les personnages de Montasser Kacem, (Badi) et Safa Chérif, (Badiaa) d'autre part, incarnent une typologie nouvelle, dans le droit fil des exigences du féminisme radical. Il s'agit respectivement de l'homme nouveau et de la femme libérée. Ainsi, l'homme fera la cuisine, le ménage et le pouponnage pendant que sa femme travaille. C'est le profil de la femme forte qui se libère par le travail, affirme son vouloir et impose sa loi ! Sur le mode de l'ironie, «Mrajel» remet en question certains acquis du féminisme radical, notamment sur le plan des rapports homme - femme. Le renversement des rôles va jusqu'à ce que le mari commence à travailler. Libre, il n'écoute plus sa femme et sa mère. Il a besoin d'un autre type de femme. Adel Refai, le l'auteur, a voulu montrer dans sa comédie que l'homme ne doit pas se «féminiser», tout comme, de son côté, la femme ne doit pas se «masculiniser». Faute de repères, l'homme nouveau et la femme libérée restent des identités en mutation, en quête d'eux-mêmes et des modalités pour se rejoindre l'un l'autre. «Mrajel» fait voyager le spectateur entre l'optimisme, l'humour noir, l'humour bon enfant et la grâce et la disgrâce. Faouzi Ben Brahim a voulu certes innover avec cette fois-ci un discours plus léger, histoire de faire miroiter une affiche alléchante. Le jeu des acteurs notamment Imène Gharbi, Fehri Houssine, Imène Gouid, Safa Chérif, Montasser Kacem est dynamique, ce qui permet au spectateur de suivre l'évolution de ces hommes et de ces femmes vers l'égalité des sexes.. Toutefois, avec plus de rigueur dans le jeu et dans le verbe, la pièce aurait, peut être, plus gagné en profondeur. Elle pèche par la multiplication des excès dans les propos et les gestes gratuits. Mais le public s'est amusé autant que les comédiens. Surtout dans la seconde partie, plus comique, où les imprévus s'accumulaient avec ce rôle Tihami bien concocté par le metteur en scène Faouzi Ben Brahim