Lorsqu'on parle du Maghreb, comme entité régionale, on a l'impression, en l'état actuel de l'apathie dans laquelle il ne cesse de s'engoncer, que cela ne dépasse guère le stade des déclarations d'intention et que le Maghreb politique ressemble à un mirage, même si le Maghreb des peuples est une réalité historique. La Tunisie n'a cessé de croire en une dynamique commune à même de transcender les clivages inter-maghrébins. Elle ne cesse de cultiver et de revendiquer l'apparentement à nos frères de sang tout en respectant les spécificités culturelles, ethniques et politiques des uns et des autres. C'est dans cet esprit et mue par le sentiment que la proposition du leader libyen Mouammar Kadhafi, procède d'une nécessité urgente et impérieuse, que Tunis l'appuie et lui fait écho. Il est, néanmoins, important de se remémorer la perspicacité de notre diplomatie sur cet épineux dossier lors des négociations bilatérales avec l'Italie et la France, tout autant qu'avec l'Union Européenne. La position stratégique de notre pays sur la rive Sud de la Méditerranée, à quelques encablures de l'Europe et en même temps, bien ancrée en Afrique, représente un don de Dieu au niveau du mouvement des marchandises et de la circulation des personnes entre les deux continents. Vers le Nord, nos trajectoires mènent droit au cœur de l'Europe ; vers le Sud, elles descendent jusqu'aux tréfonds de l'Afrique. Nous sommes, donc, la tête de pont idéale. Et aussi, la voie de transit particulièrement prisée par les candidats à l'émigration clandestine. Or, si l'hémorragie de l'exode clandestin est quelque part jugulée au niveau de nos côtes, il est clair qu'elle fait, aujourd'hui, tâche d'huile sur les côtes libyennes. Dès lors, nos frontières communes font de la stratégie contre l'émigration illégale, une lutte commune. Seulement voilà : il y a l'autre versant. Il y a essentiellement la France et l'Italie, pays d'accueil historiques, certes, mais qui pêchent actuellement par excès de discrimination positive. Il y a aussi la chute du Mur de Berlin qui fait que les ressortissants venant de l'Est prennent la place (historique) des ressortissants maghrébins. Nos émigrés, depuis plusieurs décennies, ont efficacement contribué à l'essor des économies française et italienne. Comment empêcher des milliers de jeunes à s'aventurer dans les mers suicidaires de l'Europe ? Fixons-les chez nous, en Tunisie, en Libye… Comment ? L'emploi. La création de richesses. Nous sommes en train de le faire. Mais, à son tour, l'Europe doit y contribuer.