Une étude conclut à «l'américanisation des structures d'Al Qaïda» Le Temps-Agences - Neuf ans après les attentats du 11-Septembre, le risque terroriste qui pèse sur les Etats-Unis a changé de nature et la menace est de plus en plus une "menace intérieure", selon un rapport publié vendredi. Cette étude sort dans un moment particulièrement sensible, où les Etats-Unis s'interrogent sur leur rapport aux religions après l'annonce de la construction d'une mosquée près de Ground Zero, à New York, et les menaces d'un pasteur de Floride de brûler des exemplaires du Coran à l'occasion du neuvième anniversaire des attentats. Les auteurs du rapport, Peter Bergen et Bruce Hoffman, d'anciens membres de la commission d'enquête sur les attentats de 2001, soulignent que "la menace à laquelle les Etats-Unis sont confrontés est différente". "On peut soutenir que les Etats-Unis aujourd'hui diffèrent peu de l'Europe pour ce qui est de l'existence d'un problème terroriste intérieur impliquant des musulmans immigrés ou autochtones ainsi que des convertis à l'Islam", peut-on lire dans ce rapport publié par le Bipartisan Policy Center, un centre de réflexion basé à Washington. En 2001, les attentats lancées contre les tours jumelles du World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington avaient été menées par des commandos dont les membres venaient pour la plupart d'Arabie saoudite. Une décennie plus tard, les auteurs du rapport relèvent qu'Al Qaïda et les groupes armés qui lui sont affiliés au Pakistan, en Somalie ou au Yémen sont parvenus à créer un embryon de structure de recrutement sur le territoire même des Etats-Unis. Ils en veulent pour preuve les condamnations judiciaires d'au moins 43 ressortissants américains ou résidents aux Etats-Unis l'année dernière dans des affaires de terrorisme liées à la mouvance sunnite. Ils reviennent également sur certains cas médiatisés de citoyens ou résidents s'étant rendus à l'étranger pour y suivre un entraînement aux méthodes terroristes. "Au cours de la seule année écoulée, les Etats-Unis ont pu voir de riches Américains de banlieue ou la progéniture d'immigrés graviter vers le terrorisme", notent-ils, ajoutant que l'idée selon laquelle on pouvait établir un profil-type de terroristes potentiels ne semble plus pertinente. Parallèlement, ils évoquent une "américanisation" de la structure de commandement d'Al Qaïda et des groupuscules qui appartiennent à la même mouvance. Anwar al Awlaki, imam né aux Etats-Unis, est aujourd'hui l'un des chefs d'Al Qaïda dans la Péninsule d'Arabie. Il est lié à la tentative d'attentat contre le vol Amsterdam-Detroit le jour de Noël 2009 mais aussi impliqué dans la fusillade de Fort-Hood, au Texas, où un médecin militaire d'origine palestinienne a tué treize personnes en novembre 2009. Adnan al-Shukrijumah, un Saoudien qui a grandi à Brooklyn et en Floride, est considéré lui comme l'un des principaux responsables des opérations extérieures d'Al Qaïda. Né à Chicago, David Headley aurait participé pour sa part à l'identification des cibles de l'attaque lancée sur Bombay en novembre 2008 par des commandos liés au Lashkar-e-Taiba pakistanais. "Il y a peu de précédent à ces rôles opérationnels de haut niveau que des Américains jouent actuellement au sein d'Al Qaïda et de groupes affiliés", écrivent Peter Bergen et Bruce Hoffman. Leur rapport met également en lumière les craintes exposées depuis des années par les services américains du renseignement sur la présence de ces résidents ou ressortissants américains à des postes élevés dans la hiérarchie d'Al Qaïda. L'administration Obama a ainsi donné son feu vert à des opérations visant à capturer ou tuer Anwar al Awlaki et une note confidentielle de la CIA, qui a fuité dans les médias, évoque longuement la valeur de ces citoyens américains pour les groupes terroristes. Autre évolution de la menace: le risque accru d'"attentats mineurs", ou de faible ampleur comparés au 11-Septembre, contre des cibles difficiles à protéger. Après le 11-Septembre et ses quelque 3.000 morts, la communauté du renseignement a pensé, à tort insistent les auteurs du rapport, qu'Al Qaïda tenterait de reproduire des attaques de cette ampleur. Il est aujourd'hui clair que les groupes armés accordent une grande valeur à des attentats moins sophistiqués, moins meurtriers mais plus fréquents et plus faciles à organiser. "Les responsables américains et l'opinion publique devraient réaliser que, selon la loi de la probabilité, Al Qaïda ou un groupe affilié réussira dans les années à venir à mener à bien une attaque de ce genre", écrivent-ils. Si on en analyse la couverture médiatique, même l'échec de Faïçal Shahzaf, cet Américain né au Pakistan qui a tenté de faire exploser une voiture piégée en mai à Times Square, peut être considéré comme un succès en terme de propagande, ajoutent-ils. "La meilleure réponse serait de démontrer que nous pouvons résister collectivement et que nous ne nous laisserons pas intimider par des actes de ce type", concluent-ils.