L'évolution de la médecine, de la recherche et des modalités thérapeutiques ont beaucoup apporté à l'humanité. Et ces métiers ont été longtemps qualifiés de noble. On associe également souvent le praticien à l'humaniste et à l'humanitaire. Or, qui dit progrès de la recherche et découverte de nouvelles pathologies et de nouvelles cures, dit investissement. lequel est tout aussi financier qu'en terme d'énergie, de temps et parfois au détriment d'autres activités et intérêts de l'acteur. D'où la naissance des conflits d'intérêts qui soulèvent plusieurs problématiques, entre autres, comment créer l'équilibre entre les exigences de la recherche et de la médecine et ses propres besoins. Dans ce cadre, Le Comité National d'Ethique Médicale a organisé hier et avant-hier un colloque international intitulé « Les conflits d'intérêts en santé », afin de débattre de la question. Conflits d'intérêts généraux et spécifiques M.Sadek Belaïd, juriste a, lors de son intervention, partagé les conflits en généraux et spécifiques. Ils convergent néanmoins sur le fait qu'ils sont souvent cachés, implicites et latents. Comme exemple, il a cité l'exemple de la relation entre mère – nourrisson et entre tuteur – mineur. Dans les deux cas, il existe une inégalité et une monopolisation de la prise de décision qui est justement prise en se basant sur des convictions personnelles, culturelles et sociales et sur un élan personnel et sentimental. Il s'agit de conflits spécifiques, localisés et bien déterminés. Entre un médecin ou chercheur et un patient / participant, chaque catégorie a ses spécificités. D'un côté, le participant est soumis aux tests, d'un autre côté, le médecin / chercheur est l'acteur actif, l'intervenant. Il existe également un conflit entre les intérêts publics et les intérêts privés qui influence la position et la solution. Ces conflits sont hétérogènes par ailleurs. Et ils concernent surtout nombre d'investissements et enjeux. La relation connaît parfois l'intervention d'une troisième personne : le promoteur. Ce dernier ferme en général les yeux devant l'intérêt de l'investigateur (chercheur) en complicité avec lui. Dans ce cas, le collaborateur ne reçoit rien en contre partie de sa collaboration. Plusieurs pays ont instauré des lois pour protéger le participant, en Tunisie, il n'existe toujours pas de texte de loi apportant une solution. Il est par ailleurs prévu que le patient ne reçoit pas de récompense, mais que la personne non malade qui participe, devrait, elle en recevoir. Selon M. Belaïd, cela « semble injuste est immoral ». Il faudra, selon ses dires « éviter de marchandiser le client ». La science a besoin d'espace d'indépendance et de liberté, or quand elle se conjugue avec commerce – qui est d'un autre côté essentielle à son progrès – il y a perte d'équilibre. Il existe de nos jours une capitalisation de la recherche et cela fait perdre à la science, tout comme à l'être humain, leur dignité. La nouvelle équation qui s'impose alors est que la privatisation de la recherche devrait trouver un cadre et des limites. La science devrait réagir contre la privatisation de la recherche. L'OMS – Organisation Mondiale de la Santé – devrait intervenir dans ce cadre et s'opposer au problème sinon, on serait face à un problème de gouvernance. Intégrité et intérêts « Les conflits d'intérêts peuvent être d'ordre personnel, institutionnel, et éthique » avance M.Michel Bergeron, Ethicien au Comité universitaire d'éthique de la recherche de l'Université de Montréal. Il insiste par ailleurs sur le fait de valoriser des transferts du savoir. Les perspectives de la recherche dépendent de deux choix de base alors : qu'elles émanent de l'économie du savoir ou qu'elles émanent de la société du savoir. Entre les deux, le chercheur reste une personne vulnérable. M. Bergeron continue de partager les conflits en trois catégories : conflits de valeurs, d'engagements, d'intérêts. Le premier est suscité suite à une divergence d'opinion portant sur les valeurs considérées comme non négociables, à savoir dans ce cas entre les valeurs traditionnelles et les valeurs de l'entreprenariat. La meilleure solution serait le dialogue. Le deuxième conflit émane de l'existence de deux ou plusieurs engagements ne pouvant pas être tous honorés. Le médecin ou chercheur se retrouvant entre des responsabilités institutionnelles et les intérêts personnels représente la troisième source du conflit – celui d'intérêts. Les modes de gestion des conflits seraient alors, selon M. Bergeron, d'éviter ces situations, ce qui n'est pas toujours possible, la formation qui aiderait à prendre conscience du conflit et l'analyse. La responsabilité de l'enseignant universitaire Un enseignant ne transmet pas uniquement des informations et du savoir, mais aussi un comportement et une éthique, ainsi, son rôle est souvent déterminant dans les choix du futur chercheur / médecin : pharmacien dans les situations de conflits d'intérêts. L'intervention de M.Mohamed Hedi Loueslati, professeur en médecine à Tunis et directeur général du Laboratoire National de Contrôle des Médicaments a porté, justement sur la « neutralité, responsabilité et objectivité de l'enseignant ». Dans ce cadre, l'enseignant transmet à l'étudiant un savoir et une manière de la mise en application du savoir. La première implique une sélection de l'information et la seconde la conformité de l'enseignant dans la prise de décisions. Ses choix auront un impact professionnel certes, mais également des conséquences économiques ou commerciales. D'où la nécessité de la prise de conscience de l'enseignant face à ses responsabilités et l'importance de sa neutralité. Il est tout aussi important pour l'enseignant d'être minutieux quant à la façon de faire ses choix et de les valider. La méthodologie entre alors en jeu et pour cela, une formation structurée des enseignants s'impose. La responsabilité de l'enseignant est aussi évidente dans la recherche de l'information à transmettre. Pèse alors sur lui une responsabilité bibliographique. Son approche devrait être critique face à la masse d'informations à laquelle il fera face. D'où l'importance d'une lecture critique, de l'enseignant tout comme de l'étudiant de la littérature scientifique. Le financement de l'université, ainsi que celui de la recherche devrait également être indépendant tout en laissant une marge d'interférence entre l'industrie et la recherche.