• L'UGTT réclame une politique de «tolérance zéro» à l'égard des entreprises ne respectant pas leurs engagements vis-à-vis des caisses - Les négociations sur la réforme des régimes de retraite avancent à pas comptés. Deux réunions seulement se sont jusqu'ici tenues entre les représentants de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et ceux du ministre des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger. Le calendrier initial des négociations prévoyait, pourtant, la tenue d'une réunion par semaine, au moins, entre les représentants des divers partenaires sociaux. Ces atermoiements qui ponctuent les débats entamés le 14 septembre dernier témoignent des divergences profondes des points de vue entre les diverses parties concernées sur ce dossier très délicat. La dernière réunion en date s'est tenue mardi au siège des affaires sociales entre les membres d'un comité ad hoc constitué par l'UGTT, composé de quatre membres du Bureau exécutif national ( MM. Ridha Bourzriba, Abid Briki, Mohamed Chendoul et Mohamed Sehimi), et des représentants du ministère. Quant à elle, l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), ne s'est pas encore manifestée. Le syndicat patronal s'est limité d'annoncer la mise en place d'un comité chargé d'étudier les propositions du gouvernement. Du côté du Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger, on affirme que les deux réunions tenues jusqu'ici ont été marquées par un débat «franc et sérieux» sur les moyens de réhabiliter les équilibres financiers des deux caisses de sécurité sociale. Baisse alarmante du ratio actifs/retraités L'UGTT a, toutefois, posé le débat sur les causes réelles du déficit de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) et de la Caisse Nationale de Retraite et de la Prévoyance Sociale (CNRPS) comme préalable à la discussion du projet présenté par le gouvernement. «Nous avons noté lors des réunions avec le ministère qu'il est primordial d'identifier les causes réelles de la détérioration des équilibres financiers des deux caisses avant de débattre des réformes à mettre en œuvre pour redresser la barre», précise, M. Ridha Bouzriba secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé de la couverture sociale. Le gouvernement justifie la détérioration des équilibres financiers de la CNSS et de la CNRPS par la baisse du ratio actifs/ retraités sous l'effet des facteurs démographiques. Il y a environ un peu plus d'une décennie, on compatit 6 actifs pour un retraité (Ndlr : les cotisations de 6 actifs financent la pension d'un retraité). Ce ratio est passé à 4 actifs pour un retraité, selon le ministère. En 2030, ce ratio devrait s'établir à 2, 3 actifs seulement pour un retraité. Pour la centrale syndicale, le projet du gouvernement, qui prévoit notamment un relèvement graduel de l'âge du départ à la retraite à 62 ans à partir de 2012 et à 65 ans à partir de 2016 ainsi qu'une augmentation progressive des cotisations des salariés et des employeurs risque d'avoir «des retombées sociales, matérielles, psychologiques néfastes sur une large partie des assurés sociaux et notamment ceux exerçant des métiers pénibles». Traiter les causes profondes du déficit L'UGTT estime également que l'augmentation des cotisations se répercutera négativement sur le pouvoir d'achat des salariés et préconise un traitement «global» de la question de détérioration des équilibres financiers des caisses sociales. «Les trésoreries chancelantes des caisses sociales ne s'expliquent pas uniquement par la baisse du ratio actifs /retraités. De nombreux facteurs structurels causés par plusieurs dysfonctionnements constatés dans la collecte des ressources et les dépenses des caisses entrent, en effet, en jeu », indique M. Bouzriba. Il s'agit notamment, selon lui, de l'indulgence dont on a fait preuve depuis plusieurs décennies à l'égard du « travail au noir », de la diffusion à large échelle des emplois précaires. Outre la lutte contre ces défaillances, la centrale syndicale recommande la limitation des exonérations des cotisations aux caisses sociales accordées à un grand nombre d'employeurs dans le but de les inciter à investir et réclament une politique de «tolérance zéro» à l'égard des entreprises ne respectant pas leurs engagements vis-à-vis des caisses sociales. «Le traitement de ces causes profondes du déficit des caisses peut éviter le recours au relèvement de l'âge de la retraite », estime le secrétaire général de l'UGTT chargé de la couverture sociale. Walid KHEFIFI ------------------------- Le ministère estime que la réforme se fera sur la base du consensus et du dialogue responsable Pour le ministère des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger, la réforme des régimes de retraite se fonde sur des données objectives, dont l'augmentation de l'espérance de vie à 75 ans (le taux des Tunisiens âgés de plus de 60 ans passera de 16% actuellement à 27% en 2030) et l'élargissement de la proportion des bénéficiaires de la couverture sociale. «L'âge de départ à la retraite à 60 ans n'est plus viable au regard de l'entrée tardive dans la vie active (29 ans dans le secteur public, et 25 ans dans le privé en moyenne) et de la fixation de l'âge limite de participation aux concours de la fonction publique à 4 0 ans », avait noté M. Naceur Gharbi, ministre des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger, lors d'un débat télévisé diffusé fin août dernier. Le Ministère tient également a à apaiser les inquiétudes en promettant de ne pas revoir à la baisse les pensions de retraite et en assurant que « la réforme se fera sur la base du Consensus de la progressivité et du dialogue responsable avec les partenaires sociaux» Notant que chaque année supplémentaire de travail donnera droit à une meilleure pension de retraite, le ministère indique par ailleurs que l'intérêt se porte sur la préservation du système de répartition, qui repose sur « la solidarité entre les générations». En d'autres termes, ce sont les cotisations des actifs qui financent les pensions des retraites contrairement au système de capitalisation qui repose sur les rendements des placements des stocks de capital accumulés par les salariés sur les marchés financiers.