Vers le relèvement «optionnel et volontaire» de l'âge du départ à la retraite. - Pour le principe, l'administration lance le débat sur « les causes profondes » du déficit des caisses sociales. - Les négociations sur la réforme des retraites commencent à entrer dans le vif du sujet. Soucieuse d'arriver à une solution consensuelle de nature à restaurer les équilibres financiers des deux caisses de sécurité sociale, l'administration a accepté le principe du lancement d'un débat sur «les causes profondes» du déficit de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) et de la Caisse Nationale de Retraite et de la Prévoyance Sociale (CNRPS). Ce principe, posé par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) comme préalable à la discussion du projet de réforme présenté par le gouvernement, a d'ailleurs fait l'objet d'une réunion tenue le 29 novembre entre des représentants du ministre des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger et les membres d'un comité ad hoc mis sur pied par la centrale syndicale et composé de quatre membres du Bureau exécutif national (MM. Ridha Bouzriba, Abid Briki, Mohamed Chendoul et Mohamed Sehimi). Lors de cette réunion, précédée d'une rencontre entre M. Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, et M. Abdessalem Jerad, secrétaire général de l'UGTT, le débat a essentiellement, porté sur la nécessité de mettre un terme à la «confusion entre sécurité sociale et solidarité sociale», qui constitue , selon l'UGTT, l'une des causes de la détérioration des équilibres financiers des caisses sociales. Créances A en croire des sources syndicales, l'UGTT a jugé nécessaire de réserver les dépenses des caisses sociales exclusivement aux pensions de retraite. L'UGTT a notamment proposé dans ce cadre de faire sortir le Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce du périmètre de la CNSS et de créer une caisse d'assurance chômage, dont la mission serait de servir des indemnités aux salariés licenciés pour des raisons économiques ou techniques. Une nouvelle rencontre entre les partenaires sociaux prévue durant la dernière semaine du mois en cours devrait être, quant à elle, consacrée à l'examen des moyens de nature à permettre la récupération des créances des caisses sociales auprès des entreprises publiques et privées. D'autres réunions seront réservées au débat sur certains autres points que l'UGTT considère comme étant des causes profondes du déficit des caisses sociales. Il s'agit notamment de la lutte contre le «travail au noir» et les emplois précaires (intérim, travail à la pièce, sous-traitance, contrats à durée déterminée), de l'adoption d'une politique de «tolérance zéro» à l'égard des entreprises ne respectant pas leurs engagements vis-à-vis des caisses sociales et de la rationalisation de la gestion des ressources des caisses à travers le choix rigoureux des investissements et des placements économiquement rentables. Acquis Après l'achèvement des débats sur ces différents dossiers, les partenaires sociaux entameront le débat sur le projet de réforme élaboré par le gouvernement. Ce dernier prévoit notamment un relèvement de l'âge du départ à la retraite à 62 ans à partir de 2012 et à 65 ans à partir de 2016 ainsi qu'une augmentation progressive des cotisations des salariés et des employeurs. «La réforme ne sera mise en œuvre qu'après l'accord des différents partenaires sociaux conformément à nos traditions désormais bien établies de dialogue et de consensus sur les questions d'intérêt national », a précisé M. Naceur Gharbi, ministre des Affaires Sociales de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger. Selon lui, un consensus s'est déjà dégagé sur la préservation du système de répartition, qui repose sur « la solidarité entre les générations». En d'autres termes, ce sont les cotisations des actifs qui continueront à financer les pensions des retraités contrairement au système de capitalisation qui repose sur les rendements des placements des stocks de capital accumulés Selon des proches du Bureau exécutif de l'UGTT, un début de consensus commence également à se dégager autour de la nécessité de préserver les acquis en matière de sécurité sociale, en l'occurrence le maintien de l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans et la préservation des méthodes actuelles de calcul de la pension de retraite ( Ndlr, 80% de la moyenne des salaires des dix dernières années travaillées dans le secteur privé et 90% des salaires de la dernière année travaillée dans le secteur public). Choix D'après des sources concordantes au sein de l'UGTT et du ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'Etranger, le scénario le plus plausible en matière de réforme des régimes de retraites serait un relèvement «optionnel et volontaire » de l'âge du départ à la retraite. En d'autres termes, chaque assuré social âgé de 60 ans et qui a atteint 30 ans de cotisations sociales a le choix entre prendre sa retraite ou continuer à travailler pendant deux ou, éventuellement, cinq années supplémentaires. Cette solution ménage, en fait, des intérêts contradictoires. D'une part, elle permet de préserver l'acquis social relatif à la fixation de l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans. D'autre part, cette issue permettra d'atteindre l'objectif visé par le projet de réforme présenté par le gouvernement ( l'allongement de la durée de cotisations) puisque les études réalisées par l'UGTT et l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) ont montré que la majorité des salariés préfèrent continuer à travailler au-delà des 60 ans compte tenu de leur bon état de santé et de l'impact positif de cet allongement de la vie active sur leurs pensions de retraite. Les négociations risquent d'être, toutefois longues et laborieuses au sujet de l'augmentation des cotisations. D'autant plus que la centrale syndicale estime que les précédentes augmentations des cotisations (1994, 2002, 2007) n'ont eu que des retombées positives très limitées, voire insignifiantes sur les équilibres financiers des caisses sociales.