Raouf KHALSI - C'est peut-être l'événement sportif de l'année. Et cela pour deux raisons essentielles. La première tient au contexte particulier dans lequel se déroule cette double confrontation entre l'Espérance et Al Ahly. Lors du cauchemardesque match aller, le sport a été défiguré. Et, indépendamment des responsabilités (pénales, civiles éthiques) dans ce qui s'est passé, le match a débordé, même, dangereusement débordé. C'était devenu, une affaire politique pas vraiment grave pour les relations entre les deux pays mais plutôt dangereuse. « C'est dangereux mais ce n'est pas grave » disait, en effet, De Gaulle. Et c'est là que l'intervention du Président Ben Ali auprès du Président Hosni Moubarak, pour la libération de nos quatorze concitoyens détenus au Caire, marque un tournant historique. La rivalité sportive tuniso-égyptienne ( dans toutes les disciplines fortes : foot, hand, basket, volley, judo, lutte) s'est en effet, exacerbée lors des dernières décennies. Un feu de braise couvait et sans aller jusqu'à dire « qu'à quelque chose malheur est bon », les incidents du Caire auront par ricochet, renforcé les relations d'amitié tuniso-égyptiennes hormis quelques petits délires médiatiques aux abords du Nil. Cela fait que, maintenant, le décor est planté et que toutes les conditions sont réunies pour que ce match-retour, lourd de tensions et lourd de passion aussi, redonne au sport et à l'éthique toute leur dimension, ludique entre autres. Ceci pour le premier point Il se trouve néanmoins qu'on ne saurait vivre d'amour et d'eau fraîche ; de bons préceptes Courbertinien car l'Espérance doit absolument se qualifier. Toute la pression du monde lui pèse sur les épaules. D'abord cette coupe la nargue depuis des lustres. Ensuite, étant la plus forte du championnat, « le champion chronique », comme dirait un confrère, l'Espérance souffre d'une espèce de claustrophobie. Elle a besoin de déployer son rayonnement au-delà des frontières. Et cela tourne à l'obsession, finalement… Mais surtout, surtout, les sang et or ont le sentiment de devoir laver l'affront que nous font subir les piteuses prestations de l'Equipe Nationale. En six ans, en effet, depuis les nuits magiques de la CAN à Radès, ballottée au gré des lubies fédérales, la sélection ne fait que s' « immoler » sur l'autel du ridicule. Et c'est là que l'Espérance a un rôle historique à jouer : Un effet d'entraînement en d'autres termes et la légitimation d'un ascendant continental ne serait-ce que pour en finir avec les réflexes de victimisation dans lesquels verse le football tunisien. En termes simples, le fin mot en somme c'est que l'Espérance doit gagner. Et, de surcroît, le Pharaon ahlaoui est quelque part vulnérable. N'oublions pas que l'Etoile de Moez Driss et de… Marchand ( tiens, oui Marchand effectivement) a montré, au Caire même, que la forteresse d'Al Ahly n'est, en rien, inexpugnable. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'être Espérantiste, uniquement. Car ce match implique aussi dix millions de Tunisiens. C'est-à-dire dix millions d'Espérantistes en l'espace d'une heure et demie de temps.