Le Temps-Agences - L'opposition à la réforme des retraites en France est entrée hier dans une phase de radicalisation qui n'a pas empêché le gouvernement de réaffirmer sa détermination à mener le projet à son terme. Confronté à des manifestations de masse et à des grèves reconductibles, l'exécutif a répété qu'il ne céderait pas sur un texte dont Nicolas Sarkozy entend faire un symbole. "Je le dis très solennellement à cette heure devant l'Assemblée nationale, nous sommes décidés à mener cette réforme à son terme", a déclaré François Fillon lors des questions d'actualité au Palais-Bourbon. Revenir sur la retraite à 62 ans serait "une folie économique et une catastrophe sociale", a ajouté le Premier ministre. Le gouvernement parle d'une mobilisation en hausse à la mi-journée, avec environ 500.000 manifestants, contre 380.000 à la même heure le 2 octobre, selon le ministère de l'Intérieur. Les syndicats évoquent un nombre de manifestants plus important que lors de toutes les précédentes journées d'action, qui avaient réuni selon eux jusqu'à trois millions de personnes. L'exécutif a tenté de couper l'herbe sous les pieds des centrales syndicales en faisant adopter au Sénat les principales mesures de son projet de loi avant cette nouvelle journée de mobilisation qui sera rééditée samedi dans toute la France. Après les députés, les sénateurs ont adopté lundi soir le report de 65 à 67 ans de l'âge pour une retraite à taux plein, avec quelques concessions pour les parents de familles nombreuses. Le report de 60 à 62 ans de l'âge légal de départ à la retraite avait déjà été adopté par les deux assemblées. La stratégie du gouvernement est claire: le coeur de la réforme adopté par la représentation nationale, la contestation n'a plus de raison d'être et le mouvement devrait s'étioler. Mais les syndicats estiment que rien n'est joué alors que six Français sur dix, selon deux sondages CSA et BVA, sont favorables à une montée en puissance des actions, qui prennent la forme de grèves reconductibles dans certains secteurs stratégiques, comme l'énergie, les ports ou les transports. Avant même le départ des principaux cortèges, les dirigeants syndicaux ont estimé avoir réussi leur pari. "Nous allons continuer, la mobilisation ne va pas s'arrêter au motif que les sénateurs ont voté", a déclaré dans le cortège parisien le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. Son homologue de la CFDT, François Chérèque, qui fait porter la responsabilité de la radicalisation sur un gouvernement qui serait sourd à la contestation, s'est aussi dit optimiste. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, a fait allusion à ce qui s'était passé en 2006 avec le contrat première embauche (CPE), retiré par le gouvernement alors qu'il avait pourtant été adopté par le Parlement. C'est sur le front des grèves que la radicalisation sera mesurée avec le plus de précision puisque, contrairement aux journées précédentes, le mouvement est reconductible.