Par Bourguiba BEN REJEB - Le président Karzaï d'Afghanistan vient d'exprimer sa désapprobation au sujet d'une opération conjointe entre les Américains et les Russes sur son territoire. Et on peut en effet s'étonner que Russes et Américains trouvent à s'entendre sur quelque chose dans un pays soumis aux soubresauts d'une guerre qui n'en finit pas. Le détail qui peut tout de même simplifier la compréhension est qu'il s'agissait de mener une opération d'envergure contre le trafic de drogue qui tient tête à toutes les polices du monde, en particulier celle d'Afghanistan. Les dernières interventions sur ce chapitre se justifieraient donc par l'étendue des dégâts et l'importance des prises de bénéfices sur ces produits à haute valeur ajoutée. Il faut aussi comprendre que dans ce cas comme probablement dans d'autres, les insurrections armées se nourrissent de ces trafics. Les circuits d'écoulement de la drogue sont actifs sur tous les continents, mais les grosses rentrées se situent en partie du côté des organisations qui n'hésitent pas à recycler l'argent de la drogue dans le service de causes qu'ils tiennent pour morales. Russes et Américains ont donc dû penser que réunir leurs efforts et leurs spécialistes donnait plus de chances d'endiguer le fléau et, subsidiairement, de tarir les sources financières des armadas qui leur tiennent tête. La même logique prévaut en fait dans d'autres zones de conflit. Il a en effet été dit que la machine de guerre mise en place dans le Sahel africain tire ses ressources de caravanes spécialisées dans le transit de drogue. Les informations à ce sujet sont vagues, mais on peut penser que les régions désertiques se prêtent à toutes les pratiques illicites, en particulier pour des groupes qui ont le souci d'acquérir les armes les plus meurtrières et donc les plus coûteuses. On aura même remarqué que beaucoup de situations régionales instables correspondent aussi à des zones de trafics de toute sorte. C'est le cas de la Somalie, du Soudan, du Nigéria, pour ne parler que du continent africain. Il n'est pas toujours question de drogue, mais plutôt de pratiques illégales mises au service d'autres causes. Il fut un temps où on accusait certains gouvernants de traiter en sous main ces affaires. Les plus indélicats sont même tombés, comme ce fut le cas de Taylor, devant le Tribunal Pénal International. L'appât du gain a été, et reste parfois, un moteur puissant des trafics de toutes sortes. Toujours est-il que l'association entre trafics de toutes sortes et conflits armés réapparaît en arrière plan des enjeux inavouables et parfois portés par une quelconque explication idéologique. L'argent des armes n'a, de toute façon, pas d'odeur, même quand les discours de circonstance n'hésitent pas à se prévaloir d'odeur de sainteté.