Les Suisses ont tranché dans le vif des étrangers par voie de référendum. Ceux parmi eux déclarés criminels seront désormais renvoyés manu militari dans leur pays d'origine. Le chez eux en question n'est pas précisé dans le texte, mais des citoyens ordinaires interrogés par micro trottoir désignent les Arabes musulmans auxquels on a déjà refusé aimablement le droit à la mosquée. Le marquage au fer des criminels n'a donc pas commencé, mais on peut supposer que le délit de faciès aidera fortement les chasseurs de sorcières, avec ou sans balai. Il y aura probablement quelques problèmes de mise en route pour de riches déposants en banque, mais on avisera au plus offrant, le business étant le business chez les Helvètes. La Suisse n'est pas la seule à vouloir laver plus blanc que blanc. L'Europe entière est traversée de menées jubilatoires sur le bouc émissaire des crises qu'elle n'arrive pas à surmonter. Et comme on ne peut décemment s'en prendre aux banquiers spéculateurs, l'habitude a été contractée de prendre pour cible les plus faibles. Le procédé peut paraître quelque peu vache, mais il y a fort à parier que des diplomates vont bientôt prendre les relais pour aller chercher l'argent qui manque chez les Arabes fortunés. Quand on a de la fortune, on est du coup lavé de tout soupçon de criminalité. On a déjà vu ça. Les dirigeants suisses, comme d'autres, sauront corriger la fâcheuse impression de choix raciaux et confessionnels. Les brebis galeuses que les Suisses ont décidé d'envoyer se faire égorger ailleurs ne mangeraient plus ainsi du pain blanc. D'abord, n'est pas blanc qui veut. Ensuite, il y a fort à parier que d'autres criminels, pour peu qu'ils soient originaires d'un voisin européen, seront absous. Les extrémistes à l'origine de la loi ne sont pas assez fous pour renvoyer chez eux les riches déposant de l'argent aux origines vaguement criminelles. Et puis n'importe comment, les uns et les autres surfent sur la vague de la pureté raciale synonyme de vertu. La crise a bon dos et les idées reçues peuvent tenir lieu de viatique, par mauvais temps. En France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays Bas, il suffit de montrer du doigt ceux qui n'ont d'autre tort que d'être différents. Souvent, ces derniers sont des désespérés de tous les systèmes, et qui risquent leur vie pour survivre aux crises qui grossissent les comptes en banque des plus riches. Et quand ils n'ont plus rien à espérer, il n'est pas rare de les voir augmenter les rangs des justiciers sanguinaires de l'ombre. On ne refait pas l'histoire, et les Suisses ne sont pas à leur premier coup de balai. L'alibi de la criminalité congénitale des plus pauvres fait quelque peu moyenâgeux. Mais l'Inquisition peut aussi se conjuguer au présent. B.B.R.