Le collège Sadiki, œuvre du grand Visir du Bey « Essadok », le général Khayreddine Bacha Attounsi, a été institué par un décret du 1er février 1875, est certainement le gardien de la mémoire du réformisme tunisien et de cette synthèse merveilleuse et alchimique entre l'identité arabo-musulmane et la modernité empruntée à l'Occident ! Le ministre Khayreddine (écrit plus couramment Khereddine) alors qu'il était en disgrâce et traversait calmement son grand « désert » politique, publia son fameux ouvrage « Akwam Al Masalek fi maârifati akwel al mamalik » (la meilleure voie pour connaître l'état des Nations). C'était en 1867 et à l'image de l'Histoire universelle de Ibn Khaldoun c'est la Moukadima (l'introduction ou Prologue), qui était la plus instructive et la plus importante au niveau idéologique. L'illustre homme d'Etat futur « Essadr Al Aadham » (Premier ministre), de l'Empire Ottoman après son exil à Istanbul, y appelait les Musulmans et leurs élites à prendre de l'Occident tout ce qui ne contredit pas la « Chariaâ islamique » (Le Droit musulman) ! Depuis ce monument qui trône sur une des plus belles collines de la Médina de Tunis entre les majestueuses mosquées de la Zitouna et des Hafsides et à quelques dizaines de mètres de Dar Al Bey (l'actuel Premier ministère), a donné à notre pays son élite la plus marquante et la plus diversifiée au niveau régional et national. Au départ son ambition était de former des « interprètes » et dispensait des cours de langue arabe, française, turque et même italienne à côté des sciences du Coran, puis on y enseigna les sciences, les mathématiques et la littérature arabe et française. Le programme y était bilingue et très équilibré, 8 heures d'arabe, 8 heures de français. Des thèses ont célébré cette grande école du nationalisme et de la liberté critique. Nous citerons celles de l'Historien, notre maître, feu Si Ahmed Abdessalem et de notre ami d'Aix en Provence et du CRESM (Centre d'études et de recherche sur les sociétés méditerranéennes), feu Si Noureddine Sraïeb, qui ont mis en valeur, le rôle prépondérant de cette institution, dans la formation des cadres dirigeants de l'indépendance tunisienne. Mais à la base de cette réussite il y avait un corps professoral exceptionnel de dévouement universel des enseignants français et de patriotisme des enseignants tunisiens et arabes. Parmi ceux là je citerai ceux de la génération des années soixante : le brillant et austère : M. Tronc, pour les maths, les citoyens du monde : MM. Baudier et Blanz et pour le français MM. Drevet et Truffaut (le frère du célèbre cinéaste) pour la philo, sans oublier les Tunisiens : Si Zghonda (sciences naturelles) Lumbroso (physique), Ahmed El Arbi et Tajdine Mokhtar (Arabe), Hassen Masri (littérature) Ahmed El Kassab et Jean Pierre Darmon pour l'histoire géographie et le boss de l'époque, directeur de Sadiki, Si Abdelwahab Bakir (philosophie Arabe et musulmane). J'en oublie certainement beaucoup de nos maîtres savants mais aussi humanistes et souvent dotés d'un sens très aigu de l'humour ! Qu'ils trouvent ici l'expression de mes excuses respectueuses. Quant à l'anglais, il avait pour patrons incontesté MM. Aron et surtout Si Belhassen El Karoui, brillant gentleman, rigoureux mais si attachant et si brave ! Il vient de nous quitter cette semaine pour un monde meilleur et avec son départ, une page de notre vie merveilleuse et nostalgique vient d'être tournée. De sa voix rauque et dominante je le vois nous dire : « Rub out the black – board… please ! » Adieu Si Belhassen nos pensées émues vous accompagnent. K.G.