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Le financier qui rêvait de cinéma
Un café à Paris, avec Melik Kochbati, producteur
Publié dans Le Temps le 16 - 12 - 2010

Paris sous le froid, sous la neige qui s'étend comme une deuxième couche de lumière, et puis le verglas, la boue, les trains bloqués dans une ville qui se prépare à la fête… Le rendez-vous est pris avec Melik qui s'empresse de sortir de ce tourbillon, se poser quelque part et parler de ce qu'il aime… Melik Kochbati, trente ans, producteur. Il ne voudrait pas qu'on le qualifie comme tel, gardant la tête sur les épaules, préférant rester discret alors que d'autres auraient déjà créé une nouvelle carte de visite tirée à deux mille exemplaires.
«C'est encore trop tôt, précise-t-il, il faut avoir une carrière à son actif pour pouvoir se proclamer producteur…» Sur son CV, d'ailleurs, son activité en tant que producteur est mentionnée dans une colonne, à droite, sous l'intitulé « Divers »…
Si Melik commence à s'engager – patiemment mais sûrement – dans la production cinématographique, il se fait connaître, d'abord et avant tout, comme le responsable administratif et financier qu'il est chez Aréna et Cie, là où il travaille depuis trois ans, après un premier contrat à la Comar, à Tunis. Lui qui, ayant obtenu son baccalauréat Mathématiques au Lycée Gustave Flaubert de La Marsa, s'était envolé pour Toulouse afin d'y entamer une Maîtrise en Economie Internationale, Monnaie et Finance, avant de remonter à Paris pour la suite du cursus. Des études brillamment menées, puisque son mémoire de Maîtrise lui a valu le Prix de la Banque de France Midi-Pyrénées 2002. Cette solide formation est sans doute ce qui lui a ouvert les portes de la boîte de production Aréna, là où il évolue aujourd'hui, gravissant les échelons. C'est aussi un moyen pour lui de gagner sa vie sans perdre de vue sa passion pour le cinéma.
Melik explique : « Suite à une rupture avec le monde de l'assurance, où je ne m'épanouissais pas, j'ai voulu travailler dans le monde du cinéma, et c'est là que j'ai été accepté dans le Groupe Aréna. Je voulais apprendre le métier, la production et la fabrication d'un film, même si je ne pourrais le faire que d'un point de vue financier. Ayant toujours aimé le cinéma et développé mes goûts en autodidacte, je n'avais pas besoin d'apprendre la production artistique d'un film. Je pense d'ailleurs que j'ai bien fait de suivre les études qui ont été les miennes ; je n'aurais peut-être pas pu bien développer mon côté artistique dans une école de cinéma. Et puis, par pragmatisme tunisien, il fallait surtout que je m'assure une sécurité… »
Des choix bien réfléchis que ceux que fait Melik, qui se laisse guider par son sens de la logique et sa patience. Il prend le temps qu'il faut pour éviter de commettre des erreurs et faire un bon départ, comme quand, quatre ans auparavant, travaillant pour la Comar à Tunis, il a eu un déclic : ce qu'il voudrait faire, c'est du cinéma. « Je ne me voyais pas faire carrière dans une banque ou dans l'assurance sans avoir fait autre chose auparavant : le cinéma, se confie Melik. C'était cela, pour moi, dès le début… Une évidence. Je me disais qu'un jour ou l'autre j'utiliserais cela comme option, mais l'option n'est devenue possible que quand je me suis rendu compte que cela ne marchait pas là où j'étais. »
Il ajoute : « Ce qui est bien quand on veut travailler dans le cinéma, c'est que, pour y arriver, il y a autant de chemins possibles que de personnes. » Tel est alors le parcours de Melik Kochbati, ce financier qui rêvait de cinéma, et qui rend son rêve aussi réel que les chiffres qu'il manipule tous les jours. Alors la nuit, chez lui, en rentrant du travail, il se consacre à ce qu'il espère sera son emploi à plein-temps dans l'avenir : producteur de cinéma. Le premier pas a été fait, ou plutôt dire deux pour le prix d'un : il a créé Paprika Films et Eléfanto Films. La différence, c'est que la première est une boîte de production tunisienne et que la seconde est française. «J'ai créé ces boîtes pour mener et développer certains projets avec certains artistes dont j'apprécie le travail», explique Melilk.
Les deux plants timides ont donné – en coproduction, ce qui a permis d'avoir des subventions des deux pays – un fruit, et un beau : le premier court-métrage professionnel de Youssef Chebbi, jeune réalisateur tunisien vivant à Paris. « Vers le nord » (sélectionné en compétition internationale du Festival du Court-métrage de Clermont-Ferrand, un des plus prestigieux festivals de courts au monde) est, comme son titre l'indique, l'histoire d'une fuite, d'un départ ; cette obsession d'une certaine génération tunisienne est actualisée par le thème du trafic d'organes, dans une atmosphère sinistre et oppressante, où reluit le talent prometteur de Chebbi. Ce dernier est à l'image de la génération de jeunes cinéastes avec laquelle Melik voudrait travailler afin de l'accompagner vers le long-métrage.

Pour un nouveau cinéma tunisien

C'est donc bien un rêve de cinéphile que Melik Kochbati, producteur de cinéma en devenir, élève dans le réel, mais non dénué d'un élan d'altruisme aussi bien envers ces jeunes talents de sa génération – partis à Paris, « vers le nord », à la recherche des images et de la parole –, qu'envers la Tunisie qui, plus que jamais, a besoin de régénérer son 7ème Art. D'ailleurs, comme l'explique Melik, tous les Walid Tayaa, Kaouther Ben Henia, Leila Bouzid, Wissem Tlili et Nedia Fani, qui font leurs premiers pas à Paris, conçoivent leurs projets futurs en Tunisie, à l'image de Malik Amara (réalisateur du court-métrage « Linge sale », largement apprécié lors des dernières JCC) qui est retourné avec son art au bercail…
La plupart de ces jeunes talents perdus dans les lumières, Melik les a rencontrés dans le cadre de l'Association des Jeunes Tunisiens qu'il a crée en 2007. « Je voulais rassembler les jeunes Tunisiens à Paris, des gens de qualité, qui étaient et qui sont encore nombreux, et dont aucun ne se doutait qu'il n'y avait pas que des idiots en Tunisie. Cette association, ouverte à tous, devait leur donner la possibilité de monter de beaux projets ensemble, ce qui s'est passé, puisque nous avons créé une base de recherche en ligne pour les chercheurs tunisiens, et organisé des concerts, des pièces de théâtre, des one-man-show, sans oublier le Festival du Film tunisien, qui se consacre d'abord aux courts-métrages... »
Le projet naît alors en 2008, d'une nécessité évidente : qu'il y ait du cinéma tunisien à Paris. « Il y a tellement de festivals internationaux à Paris, de cycles de cinéma, mais il n'y a aucune projection d'aucun film tunisien… Une telle méconnaissance de la culture tunisienne, qui, pour beaucoup de Parisiens, se limite aux chameaux, au désert et à la plage, est désespérante. Pourquoi alors ne pas leur montrer une autre culture tunisienne que celle de la villégiature ? En habituant le spectateur parisien aux films tunisiens, nous pourrions ouvrir la voie aux distributeurs qui, seuls, pourraient faire en sorte que notre cinéma ait une visibilité dans l'Hexagone. Par ailleurs, les Tunisiens en France pourraient produire une force économique pour le cinéma en Tunisie en allant voir des films de chez eux en France. Ils sont un million, alors imaginons un peu les rentrées d'argent que cela ferait… »
Melik parle au conditionnel, car c'est le mode du réalisme non dénué d'espoir. Il est en tout cas sûr qu'une plus grande impulsion financière de la part de la Tunisie ferait beaucoup de bien à son cinéma, qui pourrait alors devenir aussi international que le 7ème Art asiatique, lequel avait commencé à envahir les salles européennes dans les petits festivals – financés par les Etats… Donc, même si le festival (dont la troisième session aura probablement lieu en mars 2011) continue à être fréquenté par des Tunisiens principalement – à cause du manque de financement qu'il faut pour bénéficier d'une bonne promotion et de plus grandes salles –, la marginalité de cette manifestation ne dérange pas le jeune homme ambitieux, car les rêves les plus vrais sont d'abord conçus dans la modestie… «Le but, c'est de grandir d'année en année, et d'évoluer dans le bon sens… Il faut que ça avance».
En tout cas, c'est la formule qui marche pour ses boîtes de production, puisque les projets se multiplient. Après «Vert le nord», Youssef Chebbi planche sur un projet de court-métrage dont le thème est pour le moins insolite : des vampires en Tunisie ! Selon Melik, il y a assez d'universalisme dans le propos du film pour que cela parle à d'autres catégories sociales que celle des hard-rockeurs – et assez de talent, surtout. Melik accompagne aussi Kaouther Ben Henia dans un court-métrage sur l'enfance, ainsi que Wissem Tlili qui prépare une comédie ayant lieu à Paris (l'histoire d'un sans-papiers) et un long-métrage (dont la conception prendra plus de temps). Mais le producteur débutant n'oublie pas le genre de cinéma dans lequel commencent à s'illustrer certains noms tunisiens, à savoir les dessins animés : un court-métrage d'animation est, en effet, en préparation avec le peintre tunisien Wissem El Abed, à l'univers bien particulier…
Alors Melik, dans son bureau de responsable administratif et financier, commence à compter les projets qui sortent du rêve, et peut-être qu'il pensera bientôt à rédiger un CV de producteur de cinéma…
K.KH


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