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Rappeurs tunisiens contre “intellos”
Phénomène de société
Publié dans Le Temps le 22 - 12 - 2010

L'art a toujours été l'expression d'une âme et le porteur d'un message. Lié à la sensibilité et au romantisme, les arts modernes qui s'en écartent ont souvent été refusés voire dénigrés par le public avant de trouver leurs adeptes. Il arrive même que ces derniers vivent la même marginalisation que l'art qu'ils admirent.
Aujourd'hui, les arts se multiplient et l'artiste ne se conforme plus forcément à un modèle bien défini. Ainsi, dans la musique voyons-nous l'émergence de plusieurs genres, qui sont encore refusés. Le hard rock et le rap en font partie pour beaucoup de personnes qui n'y «voient pas de goût».
En Tunisie comme ailleurs, les rappeurs se font une place, mais font face aussi au rejet. On assiste même à des accrochages entre artistes « classiques » et rappeurs et entre membres de la société et rappeurs. Est-ce leur message qui dérange ? Est-ce que ce sont les paroles « trop crues » que les rappeurs utilisent pour transmettre leurs, paroles parfois très agressives ou alors cela tient-il à l'origine même des rappeurs qui sont nés dans les quartiers chauds de New York et qui leur colle une étiquette de bandits ?
Rap et message
On a beau répéter que les rappeurs viennent «de bas» et rabaissent l'art. Une chose est sure est un rappeur, même sans niveau scolaire a une large culture générale et représente un intellectuel en sens aiguisé.
Le rap, émanant de la société et porteur de message de protestation sociale est certes souvent associé à la révolte. Mais ce message ne pourrait être précis et conscient si celui qui le transmet n'a pas connaissance non seulement des phénomènes et des problèmes de sa société, mais également d'une certaine évolution historique et socio-politique.
Les rappeurs chez nous ont justement présenté un produit assez riche sur ce plan là. Evoquant les problèmes sociaux tels le chômage, l'immigration clandestine, la pauvreté, le manque d'intégration scolaire chez les adolescents, ils traitent également des certains problèmes touchant au conflit des civilisations, la relation entre un Occident développé et un Orient cherchant son chemin, la Palestine, l'avènement des anciennes colonisations et l'héritage qu'elles ont laissé dans les pays colonisés.
Nos rappeurs font plus que transmettre un message et dans certaines de leurs chansons, ils nous présentent une analyse reliant les faits historiques et comportant causalité et conséquence.
Seulement, le Rap chez nous suscite des réactions, souvent de protestation et de conflits, certains rappeurs ont même comparu devant la justice pour diffamation et injures… D'autres rappeurs suscitent la colère de toute une tranche de la société, dont ils prétendent être pourtant les défendeurs.
La polémique
Il y a quelques mois, une première crise a eu lieu entre la gente féminine tunisienne et un rappeur. Nos femmes ont obtenu pleinement leurs droits et assument «vaillamment» leurs responsabilités. Cela a suscité l'admiration de certains, et la « jalousie » d'autres, et cela fait que la femme tunisienne reçoit des éloges d'un côté et des critiques d'un autre. Et comme dans toute société, il arrive que certains ou certaines dérapent. Notre rappeur voulait « parler » des dévergondées et s'est attiré la foudre des femmes respectables. Non seulement les paroles de sa chanson sont dures, mais les internautes ont largement participé à cette crise en rassemblant des photos de femmes en boites de nuit et les montant en vidéo accompagnées de la chanson en question. La crise s'est à peine calmée qu'une vague de clash a commencé entre les rappeurs et voilà que dernièrement une artiste traine un rappeur devant la justice.
Outre les problèmes sociaux qui sont évoqués, le rap tunisien laisse penser parfois qu'il reflète surtout le malaise existant entre hommes et femmes en Tunisie. Ces clashs entre rappeurs ou alors entre rappeurs et société ont donné lieu à un autre phénomène : des acteurs dont l'expression fut jusqu'à maintenant la prose se sont mis à la rime pour transmettre leur message. C'est ainsi qu'un acteur a produit une chanson de rap juste pour défendre les filles tunisiennes après que le rappeur les ait attaquées. On assiste alors à une surenchère des chansons dont le mot clé est : liberté d'expression et critique.
Un rap «tunisifié»
« L'Islam est attaqué et mon but est de transmettre un message : celui de le défendre », c'est ainsi que s'exprime l'un de nos rappeurs… Jusqu'à présent, le rap partout dans le monde, fut l'ennemi de la conformité et, du coup, il a emprunté un chemin loin de la religion. Néanmoins et en Tunisie, beaucoup de nos rappeurs évoquent la religion dans leurs chansons. Que la chanson soit dédiée aux « changements » des valeurs religieuses et à la non-conformité de certains et certaines à ces valeurs, nos rappeurs se font les nouveaux chevaliers de la religion. Modernes « templiers » ils dénoncent et attaquent ces modifications, allant même jusqu'à les classer comme cause de la décadence de l'Orient. En fait, il y a amalgame Orient/religion…
Le message de rap en Tunisie se retrouve ainsi à mi-chemin entre art moderne et message qui remonte dans l'histoire, entre genre musical et le message religieux, entre révolte sociale et appel à la conformité… Il se veut défenseur de la société et se fait souvent « attaquer » par elle et surtout, on le décrit comme «agressif». Aujourd'hui, malgré «l'intellectualisme » qu'ils affichent, nos rappeurs sont critiqués par les intellectuels, en premier.
On se demande alors sur l'origine de cette animosité entre nos rappeurs intellectuels et nos intellectuels classiques si les deux catégories ont pour but commun la participation à la construction de la société ! La cause tient peut-être à la différence entre modèles qu'ils veulent calquer pour construire leur utopie ou alors aux moyens, agressifs chez les uns, subtils chez les autres… Reste que sortir le rap de son contexte agressif serait le priver de son essence même…
Hajer AJROUDI
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Avis du sociologue
Youssef Ben Romdhane : Violence douce
Le rap est une manière « non classique » de réagir et c'est à cause de cette non-conformité qu'on le refuse. Ce refus peut-être relatif à la question d'âge ; puisque les personnes d'âge mûr ont une façon de voir les choses et de voir les autres et la vie contre laquelle s'inscrivent les rappeurs. Nous assistons avec le rap à un nouveau discours de jeunes. D'autres signes et d'autres symboles sont alors nés et ils appartiennent aux registres d'une nouvelle manière de communiquer, qui pourrait d'ailleurs déplaire. Certains la juge même vulgaire. Le rap peut également être une manière de compenser un échec par ailleurs. Les jeunes montrent à travers le rap qu'on peut réussir autrement dans la vie que par les voies classiques, à savoir les études. Ils se montrent alors capables de créativité et d'imagination. A travers le rap, les rappeurs entrent dans un contexte de compétitivité et communiquent avec eux-mêmes et entre eux. C'est un moyen de s'assumer, d'être et de s'exprimer, mais qui ne s'inscrit pas forcément dans la même façon que les autres de « penser la vie ». Les rappeurs peuvent également être ceux qui cherchent à déplaire.
Pour finir, le rap pourrait être une manière inconsciente de « dire la violence ». Au lieu d'agir violemment, la violence est exprimée d'une manière sublimée, douce, feutrée et elle est ainsi canalisée. D'ailleurs, la jeunesse est synonyme de nos jours de violence.
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Wajdi Trabelsi alias Mascott : «Les poètes de la rue»
Le rap est une expression artistique et quant à l'agressivité qu'on accuse de véhiculer, elle dépendra plutôt du rappeur lui-même. En effet, dans le rap il existe plusieurs écoles qui ne se caractérisent pas toutes de violence ou agressivité. Il émane de la société pour la critiquer et pour parler de ses problèmes et en France, par exemple, on les appelle « les poètes de la rue ».
Rappelons que les Afro-américains ont défendu leurs causes raciales, contre la marginalisation et les mauvaises conditions socio-économiques grâce au rap. C'est peut-être là une raison de déranger, qui n'est néanmoins pas la seule. Le jazz a également été attaqué à son émergence, alors qu'aujourd'hui beaucoup l'apprécient. Chaque fois qu'une nouvelle forme d'art nait, elle n'est pas facilement acceptée.
Certains intellectuels refusent le rap car il touche la masse et parce qu'ils lient l'intellectualisme à l'académique et, pour eux, un rappeur ne peut pas être intellectuel puisqu'il n'a pas un niveau académique. D'ailleurs, ils devraient, dans leur lutte pour la liberté d'expression soutenir le rap, puisqu'il reste avant tout un moyen de s'exprimer. Un moyen qui est d'autant sincère, que les rappeurs viennent souvent des milieux qu'ils essayent de défendre. D'ailleurs le rap tunisien est un rap créatif et non pas imitatif.


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