Sotheby's est la plus ancienne des maisons de vente aux enchères d'œuvres et d'objets d'art au monde. De ce nom légendaire qui fait rêver, synonyme de luxe, Sotheby's vient d'organiser une vente à Doha au Qatar. A cette occasion, deux artistes tunisiens y étaient représentés avec leurs œuvres. Depuis le siège londonien de la société, la charmante tunisienne Lina Lazaar a bien voulu nous accorder une interview et nous éclairer sur un métier des plus passionnants. Quand avez-vous commencé à travailler à Sotheby's ?
Je suis installée à Londres depuis 6 ans et j'ai intégré l'équipe il y a 5 ans. Je m'occupe de quatre ventes par an. Sotheby's a demandé à ce que je m'occupe des ventes arabes et iraniennes qui ont lieu chaque année au mois d'octobre. Il n'y avait pas un très grand intérêt pour ce marché à la base. Vous aviez l'intention de travailler pour une maison de ventes ? En réalité pas vraiment, car j'ai fait un 3ème cycle en statistiques appliquées à la finance à Londres à LES, l'équivalent d'HEC en France. Une fois le 3ème cycle fini, il était question que je travaille dans la finance. J'avais postulé pour différentes banques. Mais un ami qui était à Sotheby's m'a encouragée à y faire un stage. J'ai toujours été passionnée par l'art et j'ai voyagé pour voir des expositions mais je n'avais pas pris le temps d'étudier l'histoire de l'art.
Comment devient-on spécialiste en art contemporain ?
J'ai fait un second master en art contemporain et là j'ai fait une thèse sur le Moyen Orient. C'est la première thèse publiée par Sotheby's Institut sur le monde arabe. Puis le directeur du programme m'a incitée à découvrir ce qu'est le monde des ventes aux enchères. Finalement, il s'agissait d'un bon compromis entre la finance et l'art. Un moyen de lier les deux aspects de ma formation. Maintenant, je suis spécialiste d'Andy Warhol et Francis Bacon mais j'ai un penchant pour le monde arabe. Et trois quarts de mon travail est occupé par les artistes allemands et anglais.
Qu'est-ce qui vous a poussé vers cette carrière ?
Après un stage de trois mois, j'ai intégré le département. Trois semaines après, on m'a proposé de m'occuper des ventes internationales. Je n'avais pas l'intention au départ de travailler dans une maison de ventes mais l'équipe avec laquelle je travaille est vraiment extraordinaire. Puis, j'ai monté la première vente d'art islamique. On a créé le marché en quelque sorte.
En quoi consiste exactement votre métier ?
C'est un travail de recherche et de développement relationnel. Il ne faut pas moins de huit mois pour monter une vente. On vend plus de 1500 œuvres par an. C'est une expérience fantastique. On est amené à écrire sur chacune des œuvres. A chaque vente il y a un catalogue assez cossu avec de longs textes. Cela dépasse le simple domaine commercial de la maison de ventes. Sotheby's n'est pas acquéreur. Il apporte son expertise de la qualité. On certifie que ce sont des œuvres exceptionnelles. Des experts travaillent pour évaluer les œuvres. L'acheteur reçoit un catalogue avec 80 à 100 œuvres. Il s'agit d'une grande sélection. La commission de Sotheby's correspond à tous ces mois de recherche. Etablir de quelle année est cette œuvre, la technique, etc…
Quels sont les artistes tunisiens que vous avez déjà vendus ?
On a vendu plusieurs œuvres de tunisiens comme Ben Salem, Gorgi, Karabibène, on a fait une belle vente d'Aïcha Filali aussi…
Le marché de l'art à Doha aurait-il le vent en poupe ?
Londres reste La meilleure place pour promouvoir le monde arabe mais on a choisi Doha comme plateforme artistique sur le Moyen -Orient. Il y a un véritable marché avec la création de résidences d'artistes. Ils possèdent la collection la plus fabuleuse de l'art arabe. Puis le premier Musée « Madhaf » va y ouvrir ses portes très prochainement.
Vous avez choisi d'exposer de la calligraphie, pourquoi avoir choisi « Hurouf » qui signifie lettres en arabes ?
Il s'agit de l'utilisation de la lettre dans le langage visuel. Pas moins de 24 pays y sont représentés. Chaque artiste explore à sa manière l'usage du mot dans le langage visuel. Pour Hurouf, nous avons trois belles œuvres des artistes tunisiens Nja Mahdaoui et Khaled Ben Slimane. Nja Mahdaoui traite la calligraphie de manière abstraite. Il y a un côté humoristique. C'est un réel choc entre la lettre et la couleur. Et il joue avec les paradoxes au sein de l'œuvre elle-même. Il y a un côté spirituel très minutieux. Propos recueillis par Nadia ZOUARI