L'association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique organise les 28, 29 et 30 Décembre, la sixième édition de « Tunis tout court ». Cette manifestation comprend cinq programmes de courts-métrages tunisiens produits en 2010 répartis sur trois salles, l'Africart, le septième Art et la maison de la culture Ibn Khaldoun. Une table ronde autour du court-métrage, réunissant jeunes réalisateurs et jeunes producteurs, est par ailleurs prévue le jeudi 28 décembre à la maison de la culture Ibn Khaldoun. Les soirées du court-métrage initiées par l'Atpcc en 2005, obéissent au souci de l'association de donner une visibilité à un cinéma jeune, indépendant et diversifié aussi bien dans ses logiques de production que dans ses options esthétiques. Tributaires il y a encore quelques années des subventions étatiques, la production du court-métrage s'est démocratisée avec pour corollaire une augmentation significative du nombre de films produits annuellement. Le cinéma tunisien a produit plus d'une centaine de films courts (amateurs, écoles et professionnels confondus). Restreinte à une soirée en 2005, « Tunis tout court » a évolué en un mini festival lors des trois dernières éditions. Une première approche de la production 2010 met en lumière une tendance qui est allée s'affirmant ces dernières années : la proportion de courts subventionnés rapportée à l'ensemble de la production annuelle est faible, les formes courtes sont en entrain d'imposer de nouvelles manières de produire (films à zéro budget, productions financées totalement par des sociétés de production établies, courts-métrages consacrés à des causes, collections thématiques, films d'école, film amateurs…) qu'il s'agit d'interroger dans leur aptitude à jeter les bases d'une nouvelle économie du cinéma en Tunisie. L'abondance des techniciens formés dans les écoles de cinéma publiques et privées, mais aussi l'accessibilité du matériel auront largement contribué à cette effervescence de la production du court-métrage. Plus, de jeunes producteurs sont en train de faire leurs premières armes sur des projets généralement dépourvus de budgets (ou presque) où il s'agit à tout instant de faire preuve d'imagination pour pallier aux insuffisances de moyens. Formés à l'école de l'austérité, ces producteurs en devenir sauront probablement faire un meilleur usage que leurs prédécesseurs des subventions publiques s'ils y accèdent ou de produire avec des budgets très serrés. S'il est incontestable qu'on ne peut pas bâtir une cinématographie sur des films à petits budgets, le tarissement des sources de financement surtout extérieures et l'impossibilité devant laquelle se trouve l'autorité de tutelle du secteur de répondre à toutes les sollicitations rendent inéluctable le fait de repenser l'économie du film en Tunisie. Quand on a pu produire pour rien, il est possible de produire pour très peu, et en la matière, les jeunes producteurs aguerris par les conditions souvent spartiates de leurs débuts seront dans les années à venir en position de force par rapport à leurs aînés qui n'ont rien connu d'autre que le confort des productions (grassement) subventionnées. Sur le plan du contenu, les courts-métrages produits ces dernières années se caractérisent par une diversité qui tranche avec l'uniformité qui mine le long-métrage en Tunisie. Si « le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs», il est patent de constater qu'à quelques rares exceptions, le long-métrage tunisien de ces dernières années joue plutôt les désaccords avec un public qui le boude faute de pouvoir s'y identifier. Frais, plus en prise sur la réalité et multiple, le court-métrage tunisien est entrain de gagner une centralité (ne serait-ce qu'aux yeux du public) à laquelle il n'a jamais probablement aspiré. Un cinéma grand public sans prétention auteuriste coexiste désormais avec un cinéma minoritaire radical dans sa posture esthétique et un cinéma de l'entre-deux qui se veut à la fois auteuriste et grand public. Le court-métrage tunisien des années 2000 est assurément plus politique que le long-métrage, même dans les ersatz de films qu'il nous propose parfois. Cette diversité n'est pas toujours synonyme de qualité et donne lieu à des clivages entre jeunes réalisateurs, mais sa pérennité est indispensable à la refondation d'une cinématographie sans repères. Après s'être émancipés des pères, les jeunes créateurs, producteurs et techniciens ont la lourde responsabilité de grandir ensemble dans le respect de ce qui les sépare, chacun dans la voie qu'il s'est tracée. L'Histoire se chargera du reste.